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Le Nicaragua pour les Nuls

 

La Revanche de Montezuma

Le 16 mars 1988, il y a vingt ans aujourd'hui, le colonel Oliver North et l'amiral John Poindexter de l'armée des État-Unis étaient inculpés de multiples chefs d'accusation pour le rôle sinistre qu'ils avaient joué dans la guerre sale, l'affaire Iran-Contra, également connue sous le sobriquet de « Irangate ».

Le Nicaragua pour les Nuls

Les aborigènes Nicarao s'installent dans la région 4000 ans avant JC. Ils y vivent plutôt paisiblement jusqu'en 1502, date du débarquement d'un certain Christophe Colomb. Le conquistador Francisco Hernández de Córdoba entreprend de coloniser ces terres et fonde deux villes en 1524 (Granada et León). Mais il se retrouve rapidement en compétition avec d'autres pillards espagnols et termine sa carrière décapité par un rival. Les aborigènes qui ne furent pas assassinés devinrent tout bonnement des esclaves, sur les plantations ou au fond des mines.  Après avoir fait partie des différentes incarnations des administrations coloniales espagnoles, le Nicaragua devient une république en 1838. C'était la mode, à l'époque. En 1856, le rigolo aventurier William Walker, vague ancêtre de monsieur W. Bush, organise un coup d'état financé par Vanderbilt, qui voit l'occasion de créer une ligne maritime qui relierait l'Est à l'Ouest des États-Unis. Walker trahit Vanderbilt, qui se fâche, et Walker est exécuté après une longue et humiliante fuite.

En 1909, le vilain président Zelaya prévoit instituer une loi qui régirait l'accès des firmes étrangères aux ressources naturelles du Nicaragua. Les États-Unis organisent généreusement un coup d'état, histoire de prévenir cette infamie, et renversent son gouvernement. De 1912 à 1933, le pays est occupé par les bons Marines, qui assurent le maintien du bon droit, de la démocratie et de la poursuite du bonheur, conformément à leurs idéaux. Le Nicaragua a pendant cette époque la formidable opportunité de devenir une colonie occupée par l'oncle Sam, ce qui favorise vachement la santé publique, le développement durable, les droits des minorités et l'égalité des chances.


De 1925 à 1933, le libéral Augusto César Sandino dirige une révolte populaire et nationaliste, qui parvient éventuellement à chasser les Marines du pays. Mais au cours des négociations de paix, l'homme de paille des États-Unis, Anastasio Somoza García, le fait assassiner. Hi, hi ! nono ! Soutenue par la Garde Nationale (une sinistre cohorte d'escadrons de la mort, entraînés, financés, dirigés et soutenus par les États-Unis), la famille Somoza règne ensuite de façon despotique de 1936 à 1979. La santé publique perd son rang au sein des priorités, mais demeure assez bonne, du moins pour les Somoza et leurs domestiques. La démocratie, au cours de ces 43 ans, fait preuve d'une remarquable stabilité et l'économie, bien qu'inexistante, est jugée « super-méga-chouette » par les propriétaires des transnationales.

La révolution Sandiniste populaire du FSLN, commencée en 1961, finit par avoir raison des Somoza et de la Guarda Nacional. Au moment de la prise du pouvoir par Daniel Ortega, le Nicaragua est le second pays le plus pauvre de toutes les Amériques, juste derrière Haïti. Écoles, terrains de jeux, pluralisme, distribution des richesses, hôpitaux, élections, ces monstres de Sandinistes se permettent toutes les bassesses pour faire de la peine aux bons mon oncles en charge de fabriquer le rêve américain. Les Sandinistes exagèrent pas mal, dans le trip « bon gestionnaire », en subventionnant l'industrie privée et le commerce, et en honorant la titanesque dette nationale. Ces provocations dépassent les bornes, et la CIA entreprend de constituer une armée de mercenaires redoutables. Ces « combattants de la liberté », tels que les appelle George HW Bush, alors vice-président, ces héros sans peur et sans reproche, s'attaquent en premier lieu aux pires éléments de cette répression marxiste d'inspiration soviétique qui sévit dans le pays : les sages-femmes. On en tue autant que possible, et grâce aux missiles, aux hélicoptères, aux lance-flammes que fournit l'once George, ce rêve devient possible.

Augusto César Sandino, General de hombres libres

Augusto César Sandino, General de hombres libres

C'est alors que le Congrès des États-Unis (un véritable nid de socialistes enragés), interdit au gouvernement américain de fournir des armes aux Contras (pourtant de méritants et courageux assassins de profs d'écoles). En haut lieu, on connaît la menace que représentent les organisateurs de coopératives de maïs. C'est pourquoi on trouve une façon de financer les Contras, à l'insu du Congrès. De façon, disons, illégale. Grosso modo, la CIA organise un réseau de vente de cocaïne colombienne, dont les profits vont à acheter des armes qu'on vend à l'Iran (alors comme aujourd'hui un faux ennemi des É-U, qui joue le vilain dans la pièce de guignol) et l'argent de ces armes va directos aux braves et opiniâtres empoisonneurs de puits Contras.

L'affaire éclate au grand jour, les médias font la danse du bacon, la tivi s'énerve. Un procès-gag est organisé, quelques tapes sur les doigts sont promises, mais par la suite oubliées. Le grand dirigeant du projet, George HW Bush, devient président des ÉU. Reste le réseau de vente de coke, qui — à ce qu'on sache — opère toujours, et également une sorte de principe systémique, qu'il vaut la peine de garder en mémoire, surtout quand on songe que la culture de l'héroïne, presque disparue sous les Talibans, a repris de plus belle depuis l'invasion de l'Afghanistan par nos courageux soldats. L'un des dirigeants relaxés par l'enquête du Irangate, malgré des preuves plutôt solides contre lui, s'appelait Robert Gates, il est aujourd'hui directeur de la CIA.

Et vogue la galère !

crachtitre

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