Le but de la Constitution européenne est de fixer pour l'éternité les conditions nécessaires à un nouvel esclavage et à la maximisation du profit des entreprises, quels que soient les futurs gouvernements et parlements élus par les citoyens. En incluant des domaines qui doivent rester du domaine de la loi, la Constitution enferme l'Europe dans une camisole de force ultra-libérale et vide la démocratie de son contenu. La Constitution consacre aussi l'absence de pouvoir du Parlement, seule institution européenne à être élue démocratiquement. Zoom sur quelques uns des articles piégés de la Constitution européenne...
Démocratie
Suprématie de la constitution européenne sur les constitutions et lois nationales
article I-6:
La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres.
Un Parlement au pouvoir extraordinairement limité
Le parlement ne peut pas prendre l'initiative d'une loi, contrairement à l'usage dans toutes les démocraties:
article I-26, 2
Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement.
Le parlement peut demander à la Commission de bien vouloir élaborer une loi, mais la Commission n'est obligée à rien:
article III-332
Le parlement européen peut, à la majorité des membres qui le compose, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l'élaboration d'un acte de l'Union pour la mise en œuvre de la Constitution. Si la Commission ne soumet pas de propositions, elle en communique les raisons au Parlement européen.
Libertés et droits civiques
Une Charte des droits fondamentaux vidée de son contenu par les annexes
La Constitution européenne contient des "annexes" ignorées du public et dont les partisans du "oui" ne parlent jamais. Ces annexes vident de son contenu la "Charte des droits fondamentaux" incluse dans la constitution et présentée par les partisans du "oui" comme un grand progrès.
Voir la page spéciale à ce sujet.
Le gadget du "droit de pétition"
article I-47
4. Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres [combien?...], peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution.
Le droit de pétition proposé par la Constitution est imprécis, et il se limite au pouvoir "d'inviter" la Commission à prendre une mesure. Les citoyens proposent, mais de toute façon, c'est la Commission qui dispose. De plus, les pétitions doivent se limiter à avoir pour objet une meilleure application de la Constitution. Les options ultra-libérales fixées à jamais par la Constitution (et notamment la "concurrence libre et non-faussée") ainsi que leurs conséquences économiques et sociales ne pourront donc pas faire l'objet de pétitions.
Economie
La "concurrence libre et non-faussée" et la "compétitivité" comme valeurs suprêmes
La mondialisation et l'absence de protections douanières sont "constitutionnalisées"
La "concurrence libre et non-faussée" et la "compétitivité" sont définis comme "objectifs de l'Union" dès l'article 3:
article I-3
2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.
3. L'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique."
Le paragraphe 3 mélange allègrement des objectifs complètement contradictoires. Une économie "hautement compétitive" (c'est à dire qui impose le moins possible de contraintes aux entreprises et qui offre la fiscalité et les salaires les plus bas possibles) est peu compatible avec le "développement durable", la "croissance équilibrée", le "progrès social", ou le "niveau élevé de protection de l'environnement".
Mais ces contradictions sont départagées par la suite de la Constitution. Les objectifs sociaux ou environnementaux ne sont en effet jamais assorti de règles ou d'obligations précises, alors que la "compétitivité" et la "libre concurrence" sont confirmés et précisés par un grand nombre d'articles.
article III-209
L'Union et les Etats membres agissent en tenant compte de la diversité des pratiques nationales, en particulier dans le domaine des relations conventionnelles, ainsi que de la nécessité de maintenir la compétitivité de l'économie de l'Union.article III-279
1. L'Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l'industrie de l'Union soient assurées.
A cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à:
a) accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels;
b) encourager un environnement favorable à l'initiative et au développement des entreprises de l'ensemble de l'Union; (...)article III-178
Les États membres conduisent leurs politiques économiques pour contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article I-3, et dans le contexte des grandes orientations visées à l'article III-179, paragraphe 2. Les États membres et l'Union agissent dans le respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources, conformément aux principes prévus à l'article III-177.article III-177
Aux fins de l'article I-3, l'action des États membres et de l'Union comporte, dans les conditions prévues par la Constitution, l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des États membres, le marché intérieur et la définition d'objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.
Une "économie de marché ouverte" désigne l'absence de taxes douanières et de restrictions aux importations.
L'absence de protections douanières est le fondement de la "mondialisation". C'est ce qui permet de mettre en concurrence directe les salariés de tous les pays, afin de faire baisser les salaires et de réduire les droits sociaux. L'absence de protections douanières se trouve ainsi "constitutionnalisée", sans possibilité de changement quels que soient les choix électoraux futurs.
Et pour que ce soit bien clair, d'autres articles enfoncent le clou à ce sujet:
article III-314
Par l'établissement d'une union douanière conformément à l'article III-151, l'Union contribue, dans l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu'à la réduction des barrières douanières et autres.article III-157, 2
Le Parlement européen et le Conseil s'efforcent de réaliser l'objectif de libre circulation des capitaux entre États membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice d'autres dispositions de la Constitution.article III-156
Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu'aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites..
Comme on le voit, la Constitution est beaucoup plus précise et coercitive quand il s'agit du libéralisme économique que pour les droits sociaux, les droits civiques, ou l'environnement.
De plus, cet article III-156 enlève à jamais toute possibilité aux états européens de contrôler les flux de capitaux, ce qui rend au passage toute taxe Tobin impossible.
Aucune constitution démocratique dans le monde ne contient ce genre de dispositions qui doivent relever de la loi (modifiable par les représentants élus du Peuple) et non de la Constitution.
Une harmonisation sociale confiée au bon-vouloir du "marché"
article III-209
L'Union et les États membres agissent en tenant compte (...) de la nécessité de maintenir la compétitivité de l'économie de l'Union. Ils estiment qu'une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché intérieur, qui favorisera l'harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par la Constitution et du rapprochement des dispositions législatives,réglementaires et administratives des États membres. (...)
Dans un autre article, un paragraphe promet une convergence des législations des états, mais le paragraphe suivant exclut la convergence fiscale et sociale du champ d'application de l'article, alors que c'est précisément le seul moyen d'empêcher les délocalisations et le dumping fiscal et social au sein de l'Europe:
article III-172
1. Sauf si la Constitution en dispose autrement, le présent article s'applique pour la réalisation des objectifs visés à l'article III-130. La loi ou loi-cadre européenne établit les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur. Elle est adoptée après consultation du Comité économique et social.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux dispositions fiscales, aux dispositions relatives à la libre circulation des personnes et à celles relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés.
"Flexibilité" des salariés
Pour des entreprises toujours plus "compétitives", il faut des salariés toujours plus "flexibles":
article III-203
L'Union et les États membres s'attachent, conformément à la présente section, à élaborer une stratégie coordonnée pour l'emploi et en particulier à promouvoir une main-d'oeuvre qualifiée, formée et susceptible de s'adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie, en vue d'atteindre les objectifs visés à l'article I-3 (...)
Services publics
Les services publics ne sont pas explicitement reconnus par la Constitution qui ne parle que de "services d'intérêt économique général". Ce terme assez vague permet en fait d'englober les services fournis par des entreprises privées.
Par contre, les documents de la Commission européenne (en particulier le Livre Blanc de 2004 adopté par le Parlement) sont plus explicites: les pouvoirs publics ne peuvent créer des services d'intérêt économique général (SIEG) que si deux conditions sont remplies:
a) que le marché (l'initiative privée) ne fournisse pas le service.
b) que ce SIEG respecte les règles de la concurrence.
La Constitution est aussi plus explicite quelques articles plus loin, en imposant la "libéralisation" des services publics, et en encourageant les Etats à aller encore plus loin que la réglementation européenne dans ce domaine:
article III-148
Les Etats membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi cadre européenne adoptée en application de l'article III-147.article III-147, 2
La loi-cadre européenne visée au paragraphe 1 porte, en général, par priorité sur les services qui interviennent d'une façon directe dans les coûts de production ou dont la libéralisation contribue à faciliter les échanges des marchandises.
Menace sur les subventions à la culture
La Constitution fait mine d'autoriser les subventions à la culture, pour en limiter aussitôt le champ d'application à ce qui ne contredit pas la sacro-sainte "concurrence libre et non-faussée". Or n'importe quelle subvention à un secteur culturel où opèrent des entreprises (comme le cinéma, la télévision, ou la production musicale) a pour effet de fausser la concurrence entre les bénéficiaires des subventions et les autres.
article III-167, 3
Peuvent être considérés comme compatibles avec le marché intérieur: (...)
d) Les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
Environnement
Encouragement de l'agriculture industrielle
Les "objectifs de l'Union" (voir plus haut) incluent "un niveau élevé de protection de l'environnement. Mais la Constitution fixe définitivement le choix d'une agriculture industrielle où les quantités produites sont davantage prises en compte que la qualité des produits, et le respect de l'environnement ou de la santé des consommateurs.
article III-227
1. La politique agricole commune a pour but :
a) d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique et en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'oeuvre.
Politique extérieure et militaire
Perte du contrôle du siège de la France au Conseil de sécurité de l'ONU
Avec la Constitution européenne, la France ne pourrait plus utiliser librement le siège dont elle dispose au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle conserverait son siège au Conseil, mais elle serait dans l'obligation d'y défendre la position de l'Union Européenne.
article III-303, 2
Les États membres qui sont membres du Conseil de sécurité défendront, dans l'exercice de leurs fonctions, les positions et les intérêts de l'Union (...)
Lorsque l'Union a défini une position sur un thème à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies, les États membres qui y siègent demandent que le ministre des Affaires étrangères de l'Union soit invité à présenter la position de l'Union.
Une politique de défense prisonnière à jamais du cadre de l'OTAN
article I-41, 2
La politique de l'Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.article I-41, 7
Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'OTAN, qui reste, pour les états qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre.
Obligation constitutionnelle d'augmenter les dépenses militaires
article I-41, 3
Les états membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires.
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