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La bombe, le fluor et les dents

 

Les origines méconnues de la fluoration  

Introduction

L'article qui suit a été commandé par le Christian Science Monitor du printemps de 1997. En dépit de plusieurs commentaires élogieux de la part des éditeurs et d'une documentation complète, l'article n'a pas été publié par le Monitor. Pourtant, les critères d'excellence auraient pu faire en sorte que l'article devienne une exclusivité primée pour n'importe quel journal à tirage national. Il présente un aperçu de l'histoire du fluorure, une substance toxique bio cumulative ingérée quotidiennement par les Américains. Les auteurs, Griffiths et Bryson, ont réalisé un travail d'investigation étalé sur plus de dix ans. Convaincus que l'information ne doit plus être retenue, les auteurs ont remis ce rapport à plusieurs groupes, incluant Waste Not, accompagné de la note: "utilisez comme bon vous semble".

Cette introduction est tirée du numéro 414 de Waste Not (septembre 1997) où l'article a été publié pour la première fois. Il a été primé à la 18e position des nouvelles les plus censurées de 1998 dans le cadre du "Projet Censure" (1998 Project Censored Series).

Le fluorure, les dents et la bombe atomique

Quelques trente années après que les États-Unis commencent à injecter du fluorure dans l'eau potable afin de réduire la carie dentaire chez les enfants, des documents gouvernementaux déclassifiés viennent jeter un nouvel éclairage sur les racines d'une mesure de santé publique controversée. Ils révèlent en effet le lien surprenant qui existe entre le fluorure et le début de l'ère nucléaire.

De nos jours, les deux tiers des réseaux d'eau potable américains sont fluorés. Mais plusieurs municipalités résistent, car elle ne croient pas aux paroles réconfortantes du gouvernement quant à la sécurité de cette mesure.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, alors que cette nation vainquit grâce à la première bombe atomique, les directeurs de la Santé publique des États-Unis ont toujours soutenu que de faibles doses de fluorure sont sécuritaires pour tous et bonnes pour les dents des enfants.

À la lumière des centaines de documents autrefois classés secret de la Seconde Guerre mondiale et qui ont été obtenus par Griffiths et Bryson, ce verdict sur la sécurité doit maintenant être réexaminé --incluant les dossiers déclassifiés du Projet Manhattan, le groupe militaire états-unien qui a construit la bombe atomique.

Selon ces documents, le fluorure était l'élément chimique clé indispensable à la production de la bombe. Durant la guerre froide, des quantités énormes de fluorure --des millions de tonnes-- étaient essentielles à la fabrication de l'uranium et du plutonium de qualité militaire, qualité requise à la fabrication des armes nucléaires. Les documents révèlent aussi que le fluorure, l'un des produit chimiques les plus toxiques connus, a rapidement été identifié comme le principal danger pour la santé du programme atomique américain--pour les travailleurs comme pour les communautés avoisinantes.

Parmi ces révélations:

* À l'origine, une grande partie de la preuve sur la sécurité des petites doses de fluorure chez les êtres humains a été produite par les scientifiques de la bombe A qui, en secret, avaient reçu l'ordre de fournir des "preuves utiles lors des poursuites légales" contre les contracteurs de la défense, en cas de dommages causés par le fluorure chez les citoyens. Les documents révèlent que les premières poursuites contre le programme atomique ne concernaient pas la radiation, mais plutôt les dommages causés par le fluorure.

* Des études humaines étaient requises. Les chercheurs de la bombe ont joué un rôle de premier plan dans la conception et la mise en œuvre de l'étude américaine la plus complète sur les effets de la fluoration de l'eau sur la santé --menée à Newburgh, New York de 1945 à 1956. C'est à cette époque que, lors d'une opération secrète ayant pour code "Programme F," on avait rassemblé et analysé des échantillons de sang et de tissus prélevés chez les citoyens de Newburgh, avec la coopération du personnel du ministère de la santé.

* La version originelle secrète --obtenue par ces journalistes-- d'une étude de 1948 publiée par les scientifiques du Programme F dans le périodique de l'Association dentaire américaine (Journal of the American Dental Association) montre que les données probantes des effets nocifs du fluorure sur la santé ont été censurées par la Commission atomique des États-Unis (AEC) --considérée comme la plus puissante des agences durant la guerre froide-- pour des raisons de sécurité nationale.

* Dans le cadre du programme de la bombe et de la guerre froide, les études sur la sécurité du fluorure furent menées à l'Université de Rochester, où l'on mena l'une des expériences les plus notoires sur l'irradiation des êtres humains, dans laquelle on injecta à des patients hospitalisés des doses toxiques de plutonium radioactif. Les études sur le fluorure furent menées avec le même souci étique, où la sécurité nationale était le critère suprême.

* En raison du débat sur la fluoration qui fait rage depuis les années 1950, le conflit d'intérêt du gouvernement des États-Unis --et son désir de prouver que le fluorure est "sécuritaire"-- n'a pas été clairement révélé au public, ni aux chercheurs civils, professionnels de la santé et journalistes.

Les documents déclassifiés concordent avec un nombre grandissant de données scientifiques (et des questions non répondues) relatifs aux effets du fluorure sur la santé et l'environnement.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'exposition au fluorure a explosé, non seulement à cause des dentifrices et de l'eau fluorée, mais aussi en raison de la pollution générée par diverses industries importantes, de l'aluminium jusqu'aux pesticides. Bref, le fluorure est devenu un produit chimique prédominant.

L'impact se lit littéralement sur le visage de nos enfants. Selon le Conseil National de la recherche des États-Unis, un grand nombre de jeunes américains (jusqu'à 80% dans certaines villes) sont maintenant affectés par la fluorose dentaire, le premier signe visible d'un apport excessif de fluorure (taches légères, marbrures ou taches foncées dans les cas sévères, surtout sur les dents frontales).

Ce que le public ignore, c'est que le fluorure s'accumule aussi dans les os --"Les dents sont le miroir des os" explique Paul Connett, Professeur de chimie à l'Université de St. Lawrence (N.Y.). Ces dernières années, les spécialiste des os pour enfants ont sonné l'alarme en raison de l'augmentation des fractures de stress chez les jeunes américains. Connett et plusieurs autres scientifiques sont préoccupés par le fluorure, car il pourrait être un facteur aggravant et depuis les années 1930, plusieurs études le lient aux dommages osseux. Les documents déclassifiés viennent aggraver le niveau d'alerte, car à l'origine, une grande partie de la preuve sur la sécurité des petites doses de fluorure pour les os infantiles a été produite par les scientifiques de la bombe A.

Et maintenant, les chercheurs qui ont examiné ces documents déclassifiés craignent que les considération de sécurité nationale du temps de la guerre froide aient pu faire obstacle à une évaluation scientifique et objective des questions sanitaires vitales concernant le fluorure.

"L'information a été occultée", conclue le Dr. Phyllis Mullenix, ancienne directrice du département de toxicologie au Centre dentaire de Forsyth à Boston, devenue depuis ouvertement critique de la fluoration. Les études animales menées par le Dr Mullenix et ses fluorosecollègues au centre Forsyth au début des années 1990 ont trouvé que le fluorure est une toxine puissante pour le système nerveux central (SNC), et que même à faible dose, il peut affecter les fonctions du cerveau humain. (Depuis, de nouvelles données épidémiologiques en provenance de la Chine ont confirmé ces découvertes en montrant la corrélation existante entre l'exposition à de faibles doses de fluorure et la diminution de l'intelligence chez les enfants) Les résultats de Mullenix ont été publiés dès 1995 dans un périodique scientifique révisé par les pairs.

Dans le cadre de ses recherches, le Dr Mullenix a été étonnée de découvrir qu'il n'y a pratiquement aucune étude américaine antérieure portant sur les effets du fluorure sur le cerveau. Par la suite, le National Institutes of Health (NIH) lui a refusé la subvention qui lui aurait permis d'approfondir ses recherches sur le SNC. Le panel du NIH a justifié cette décision par le fait que "le fluorure n'a aucun effet sur le système nerveux central", explique-t-elle.

Pourtant, les documents déclassifiés du programme atomique des États-Unis indiquent le contraire. Un mémo du Projet Manhattan daté du 29 avril 1944 rapporte que: "Des données probantes cliniques suggèrent que l'hexafluorure d'uranium pourrait avoir un effet marqué sur le système nerveux central.... Il est très probable que le facteur causal soit le composé F [code pour fluorure] plutôt que le composé T [code pour uranium]."

Le mémo --étampé "secret"-- était destiné au directeur du département médical du Projet Manhattan, le Colonel Stafford Warren. On y demande au Colonel Warren d'approuver le programme de recherche animale portant sur les effets sur le Système Nerveux Central: "Puisque l'étude de ces composés chimiques est essentielle, il est nécessaire de prévoir quels sont les effets mentaux causés par l'exposition... Cela est important non seulement pour protéger un individu donné, mais également pour empêcher qu'un travailleur confus ne blesse les autres advenant le cas où il se mettrait à mal accomplir sa tâche."

Ce même jour, le Colonel Warren approuve le programme de recherche sur le SNC. C'était en 1944, en plein milieu de la deuxième Guerre Mondiale et de la course aux armements pour construire la première bombe atomique. Pour que la recherche sur les effets du fluorure sur le SNC soit approuvée à un moment si capital, il a fallu que les données accompagnant la demande de recherche soient très convaincantes.

Cependant, la demande de recherche est introuvable dans les dossiers des archives nationales des États-Unis. "Si vous avez trouvé les mémos, mais que le document auquel il se réfère est manquant, c'est qu'il est encore probablement classé secret," explique Charles Reeves, bibliothécaire en chef à la division américaine d'Atlanta des Archives nationales et gestion des documents, où a été découvert le mémo. De même, aucun document du Projet Manhattan portant sur les résultats des effets du fluorure sur le système nerveux central n'a pu être trouvé dans les archives.

Après avoir lu les mémos, le Dr Mullenix a déclaré ''être renversée". Elle ajoute: "Comment se fait-il que le NIH affirme que le fluorure n'a aucun effet sur le système nerveux central, alors que ces documents existent depuis tant d'années?" Selon elle, il est raisonnable de croire que le Projet Manhattan a réalisé des recherches sur les effets du fluorure sur le SNC --"Je ne crois pas que dans le cadre du programme atomique on ait pu ignorer le danger que représente le fluorure pour les travailleurs"--, mais que les résultats ont été dissimulés en raison des problèmes juridiques et de relations publiques engendrés pour le gouvernement.

En 1944, l'auteur de la demande de recherche sur le SNC était le Dr. Harold C. Hodge, directeur des études toxicologiques sur le fluorure à l'Université de Rochester, affiliée au Projet Manhattan. Cinquante ans plus tard, le Dr Mullenix allait rencontrer un consultant âgé et à l'allure tranquille au centre dentaire de Boston. Ce consultant en SNC n'était nul autre que Harold C. Hodge. À cette époque, Hodge avait acquis le statut honoraire d'autorité mondiale en fluorure sécuritaire. "Mais même s'il était censé m'aider dans mon travail, il n'a jamais mentionné le travail qu'il avait accompli sur le SNC dans le cadre du Projet Manhattan, pas une seule fois", explique Mullenix.

Pour le Dr Mullenix, ce "trou noir" dans la recherche sur les effets du fluorure sur le SNC, qui perdure depuis le Projet Manhattan, est inacceptable. "De nos jours, l'exposition au fluorure a atteint un tel niveau, qu'on ne peut pas juste l'ignorer. Et on ne sais même pas quels sont les effets exacts", ajoute-elle.

Le Dr. Antonio Noronha, un analyste de révision du NIH au courant des demandes de subventions du Dr. Mullenix, affirme que sa demande a été refusée par un comité de lecture. Selon lui, ses allégations de biais institutionnel dans la recherche sur le fluorure et le SCN sont "tirées par les cheveux." Il ajoute, "Au NIH, nous travaillons très fort pour nous assurer que les politiques n'interfèrent pas."

Le fluorure et la sécurité nationale

La piste documentée débute en 1944, au sommet de la Seconde Guerre Mondiale, lorsqu'un incident de pollution sévère s'est produit sous le vent de l'usine chimique de E.I. DuPont de Nemours à Deepwater, au New Jersey. L'usine produisait alors des millions de livres de fluorure pour le Projet Manhattan, dans le cadre du projet américain destiné à produire la première bombe atomique.

Les fermes situées en aval, dans les comtés de Gloucester et de Salem, avaient la réputation de produire des denrées de grande qualité -- leurs pêches allaient directement vers les cuisines de l'hôtel Waldorf Astoria de New York et leurs tomates étaient achetées par les soupes Campbell.

Durant l'été 1943, les fermiers commencèrent à noter que les récoltes dépérissaient et que "quelque chose brûle les cultures de pêche dans la région".

Un jour, les volailles sont mortes après un orage qui avait duré toute la nuit, rapporte-t-on. Les travailleurs agricoles qui mangeaient les produit récoltés vomissaient pendant toute la nuit et jusqu'au lendemain. "Je me rappelle que nos chevaux avaient l'air malades et qu'ils étaient trop rigides pour travailler", avait expliqué Mildred Giordano aux journalistes, qui était adolescent à l'époque. Certains bovins étaient si infirmes qu'ils ne parvenaient pas à se tenir debout et se nourrissaient en rampant sur le ventre.

Le récit a été confirmé par une entrevue enregistrée avec Philip Sadtler (juste avant sa mort) des Laboratoires Sadtler de Philadelphia, l'une des firmes de consultants en produits chimiques les plus anciennes de la nation. Sadtler avait personnellement participé à l'enquête initiale pour évaluer les dégâts.

Les fermiers n'étaient pas au courant, mais l'attention du Projet Manhattan et du gouvernement s'était alors focalisée sur l'incident du New Jersey, selon les documents autrefois secrets obtenus par ces journalistes. Après la guerre, dans un mémo du 1er mars 1946, le directeur des études sur la toxicologie du fluorure, le Dr Harold C. Hodge, avait exprimé ses préoccupations à son patron, le Colonel Stafford L. Warren, directeur de la division médicale, au sujet des "problèmes relatifs à la pollution atmosphérique causée par le fluorure dans certaines régions du New Jersey. Il semble y avoir quatre problèmes (inter-reliés)", continua Hodge:

  1. Les pêches endommagées lors de la récolte de 1944.
  2. On a rapporté un niveau extrêmement élevé de fluorure dans les légumes cultivés de la région.
  3. On a rapporté un niveau anormalement élevé de fluorure dans le sang des habitants de la région.
  4. On a rapporté l'empoisonnement sévère de chevaux et de bovins dans la région.

Les fermiers du New Jersey ont attendu la fin de la guerre et ont ensuite poursuivi DuPont et le Projet Manhattan pour dommages causé par le fluorure -- on dit que c'était la première pousuite contre le programme nucléaire des États-Unis.

En apparence triviales, les poursuites ont ébranlé le gouvernement, révèlent les documents secrets. Sous la direction du major-général en chef Leslie R.Groves, le Projet Manhattan organisa des réunions secrètes à Washington. Étaient tenus d'y assister des scientifiques et des officiels du Ministère de la guerre, du Projet Manhattan, de la FDA, et des ministères de l'agriculture et de la justice, du Service de guerre chimique de l'armée, du programme d'armement d'Edgewood Arsenal, du Bureau des normes, ainsi que les avocats de DuPont. Les mémos déclassifiés des rencontres révèlent une mobilisation secrète et concertée du gouvernement pour défaire les fermiers du New Jersey:

Ces agences "effectuent des investigations scientifiques pour obtenir la preuve destinée à protéger les intérêts du gouvernement dans le cadre de la poursuite intentée par les propriétaires de cultures de pêches au ... New Jersey", écrit le lieutenant-colonel Cooper B. Rhodes du Projet Manhattan dans un mémo partagé avec le général Groves.

27 août 1945

Sujet: Enquête sur les dommages aux cultures de Lower Penns Neck, New Jersey.

Pour: Le général commandant les opérations, les Forces armées, édifice du Pentagone, Washington D.C.

"À la demande du Ministre de la guerre, le Ministère de l'agriculture accepte de coopérer dans l'enquête de dommages aux récoltes attribuées aux... émanations d'une usine en relation avec le Projet Manhattan."

Signé, L.R. Groves, major-général des États-Unis

"Le Ministère de la justice coopère actuellement à la défense contre ces poursuites", écrit le général Groves dans un mémo daté du 28 fév. 1946 et envoyé au président du comité spécial du sénat des États-Unis sur l'énergie atomique.

Pourquoi donc déclencher une telle alerte de sécurité nationale, juste à cause de quelques poursuites initiées par des fermiers du New Jersey? En 1946, les États-Unis avaient commencé la production à grande échelle des bombes atomiques. Aucune autre nation n'avait encore testé d'armes nucléaires et la bombe A était perçue comme cruciale pour la gouvernance d'après-guerre. Dans ce contexte, les poursuites liées au fluorure constituaient un sérieux obstacle à cette stratégie.

"Le spectre d'une suite ininterrompue de poursuites hantait les militaires", écrit Lansing Lamont dans son livre tant acclamé sur l'essai de la première bombe atomique et portant pour titre le "Jour de la Trinité".

Dans la cause du fluorure, "Si les fermiers avaient gagné, cela aurait ouvert la porte à d'autres poursuites, qui auraient pu empêcher le programme de la bombe d'utiliser le fluorure", explique Jacqueline Kittrell, une avocate du Tennessee travaillant en loi publique et spécialisée dans les causes nucléaires, qui a examiné les documents déclassifiés sur le fluorure. (Kittrell a représenté les plaignants lors des causes impliquant les expériences sur l'irradiation humaine.) Elle ajoute, "Les rapports de dommages infligés aux êtres humains sont particulièrement menaçants, à cause des compensations monétaires éventuellement énormes -- sans mentionner les problèmes de relations publiques."

En fait, selon un mémo secret de 1946 du Projet Manhattan, DuPont était particulièrement préoccupé par "les réactions psychologique possibles" suite à l'incident de pollution du New Jersey. Craignant une menace d'embargo de la Food and Drug Administration (FDA) sur les produits agricoles en raison d'une "teneur en fluorure trop élevée", DuPont envoya ses avocats aux bureaux de la FDA à Washington, où une réunion agitée eut lieu. Selon un mémo envoyé le jour suivant au General Groves, les avocats de DuPont plaidèrent "que devant les poursuites...toute action de la FDA... aurait de sérieux impacts sur la compagnie DuPont en créant des problèmes de relations publiques." Après la rencontre, le capitaine John Davies du Projet Manhattan approcha le directeur de la division des aliments de la FDA et "expliqua au Dr. White l'intérêt substantiel du gouvernement pour ces réclamations qui pourraient surgir suite aux actions entreprises par laFood and Drug Administration."

Il n'y eut pas d'embargo. À la place, de nouveaux tests sur le fluorure seraient menés au New Jersey -- non pas par le Ministère de l'agriculture -- mais par le Service de guerre chimique de l'armée des États-Unis, parce que le "travail accompli par le Service de guerre chimique porterait la plus grande part de la preuve si... les poursuites étaient déclenchées par les plaignants." Le mémo était signé par le général Groves.

En attendant, le problème de relations publiques restait non résolu -- les citoyens de la régions étaient paniqués face au fluorure.

Le 26 mars 1946, le porte parole des fermiers, Willard B. Kille, fut personnellement invité à un souper avec le général Groves --dès lors connu comme "l'homme qui avait construit la bombe atomique" -- à son bureau au Ministère de la guerre. Bien que son médecin avait diagnostiqué un empoisonnement au fluorure, Kille quitta le repas convaincu de la bonne foi du gouvernement. Le jour suivant, il écrivit au général. Il aurait espéré que les autres fermiers eussent été présents, dit-il. Ainsi "ils auraient eux aussi le sentiment que dans cette affaire leurs intérêts sont protégés par des hommes du type le plus élevé, dont l'intégrité ne peut être remise en question."

Dans un mémo secret subséquent du Projet Manhattan, une solution élargie au problème des relations publiques est suggérée par le toxicologiste en chef spécialiste du fluorure Harold C. Hodge. Il écrit au directeur de la division médicale, le Col. Warren: "Dans notre tentative de combattre la peur du fluorure dans les comtés de Salem et Gloucester, serait-il utile de présenter des conférences sur la toxicologie et l'utilité du fluorure pour la santé dentaire?" On organisa ensuite effectivement ces conférences, non seulement pour les citoyens du New Jersey, mais aussi pour toute la nation, et ce pendant toute la durée de la guerre froide.

Les poursuites des fermiers du New Jersey furent finalement bloquées par le refus du gouvernement de révéler les renseignements clé qui aurait pu régler ces différends --soit la quantité de fluorure rejetée dans l'atmosphère par DuPont pendant la guerre. "La révélation de cette information... causerait un tort à la sécurité militaire des États-Unis", écrit C.A Taney Jr., major du Projet Manhattan. Selon les descendants des fermiers de la région, les fermiers furent pacifiés par des règlements symboliques.

"Tout ce que nous savons, c'est que DuPont avait rejeté des produits chimiques qui avaient brûlé les cultures de pêches de la région" se souvient Angelo Giordano, dont le père James était l'un des plaignants. "Les arbres avaient été décimés et les pêches perdues." Les chevaux et les vaches marchaient avec peine, se souvient sa soeur Mildred. "Se peut-il que tout cela ait été causé par le fluorure ?" demanda-t-elle. (Selon des vétérinaires toxicologistes, les symptômes qu'elle a révélé à l'auteur sont des signes inéquivoques d'intoxication au fluorure)

La famille Giordano avait également été frappée par des problèmes osseux et des articulations, ajoute Mildred. Concernant le règlement octroyé à la famille Giordano , "mon père m'a dit avoir reçu environ $200", raconta Angelo à ces journalistes.

Lorsque les fermiers tentèrent d'obtenir plus d'informations, on leur fit de l'obstruction et leurs plaintes ont depuis longtemps été oubliées. Sans le savoir, ils ont pourtant laissé une trace indélébile dans l'histoire -- leur demande d'indemnisation pour préjudice réverbéra jusque dans les allées du pouvoir à Washington. Dans le cadre du programme de la bombe, elle déclencha un programme de recherche secrète intensive sur les effets du fluorure sur la santé. Un mémo secret du Projet Manhattan de 1945, écrit par le Lt. Col. Rhodes pour le Général Groves énonce: "Suite à des plaintes à l'effet que des animaux et des êtres humains ont été blessés par des émanations de fluorure d'hydrogène [au New Jersey], et bien qu'il n'y ait aucune plainte en cours impliquant ces réclamations, l'Université de Rochester effectue des expériences pour déterminer les effets toxiques du fluorure."

Une grande partie de la preuve relative à la sécurité des faibles doses de fluorure est fondée sur le travail mené à l'Université du Rochester après la guerre, en prévision des poursuites contre le programme de la bombe, en raison du tort causé aux êtres humains.

Le fluorure et la guerre froide.

L'idée de déléguer ces recherches à l'Université du Rochester n'est pas une surprise. Durant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral s'impliqua pour la première fois dans un vaste programme de financement de la recherche scientifique, dans les laboratoires gouvernementaux et des collèges privée. Dès le début, les priorités étaient centrées sur les besoins militaires (souvent secrets) de la nation.

Le prestigieux Upstate New York College, en particulier, avait accueuilli une division clé du Projet Manhattan durant la guerre, étudiant les effets sur la santé des "matériaux spéciaux" tels que l'uranium, le plutonium, le béryllium et le fluorure, utilisés pour la fabrication de la bombe atomique. Le travail continua après la guerre, avec les millions de dollars émanant du Projet Manhattan et de l'organisation qui lui succéda, la commission de l'énergie atomique (Energy Commission, AEC). (En fait, la bombe a laissé une marque indélébile sur toute la science américaine de la fin des années 1940 et 1950. À cette époque, jusqu'à 90% des fonds fédéraux destinés à la recherche universitaire provenaient du ministère de la défense ou de l'AEC, selon le livre de Noam Chomsky de 1996 intitulé "The Cold War and the University.")

L'école médicale de Université de Rochester fourmillait de scientifiques seniors du programme de la bombe. Parmi le corps enseignant, on retrouvait Stafford Warren, le principal officier médical du Projet Manhattan, et Harold Hodge, directeur de la recherche sur le fluorure pour le programme de la bombe.

Mais ce mariage du secret militaires et de la science médicale a engendré des enfants difformes. Les études secrètes de l'Université de Rochester, dont le nom de code était ''Program F'', furent menées au sein du Projet d'énergie atomique (Atomic Energy Project -AEP), dans une installation top-secret financées par l'AEC et située à l'hôpital Strong Memorial. C'est là qu'une expérience d'irradiation humaine notoire de la Guerre froide eut lieu, où des patients innocents et naïfs furent injectés avec des doses toxiques de plutonium radio-actif. Les révélations de cette expérience furent étayées dans le récit lauréat du Prix Pulitzer et écrit par Eileen Welsome, récit qui a mené en 1995 à une enquête présidentielle aux États-Unis et à une compensation financière de plusieurs millions pour les victimes.

Le Programme F n'avait rien à voir avec la santé dentaire des enfants. Il est né directement des poursuites contre le programme de la bombe et son objectif était de fournir des munitions au gouvernement et à ses contractants nucléaires, pour contrer les poursuites légales liées au tort causé contre les êtres humains. Le directeur du Programme F n'était nul autre que Harold C. Hodge, qui avait dirigé l'enquête sur le tort causé aux êtres humains par la pollution du Projet Manhattan.

On explique les buts du Programme dans un document classifié de 1948: "Fournir des preuves utiles dans la poursuite liée à une allégation de perte de récolte de fruits il y a plusieurs années; plusieurs problèmes ont surgi. Puisque des niveaux excessifs de fluorure sanguin ont été rapportés chez les résidents humains de la même région, notre principal effort a été de décrire la relation entre le fluorure sanguin et les effets toxiques."

Bien entendu, la poursuite mentionnée ainsi que le tort causé aux êtres humains concernent le programme de la bombe atomique et ses contractants. Par conséquent, le Programme F avait pour seul objectif de trouver des preuves utiles dans le cadre de cette poursuite. La recherche effectuée était menée par la partie défenderesse.

La possibilité d'un conflit d'intérêt était évidente. Si le Programme F découvrait que les doses minimales de fluorure sont dangereuses, cela ouvrait la porte à des poursuite contre le programme de la bombe et ses contractants, tout en créant un tollé dans la population.

Selon l'avocat Kittrell: "Avec d'autres documents, cela nous indique que la recherche sur le fluorure à l'Université de Rochester a été menée en anticipation des poursuites contre le programme de la bombe pour le tort causé aux êtres humains. De nos jours, les études effectuées par le défendeur dans le cadre d'un différend ne peuvent être considérées acceptables au niveau scientifique" ajoute Kittrell, "à cause du biais inhérent visant à prouver que le produit chimique ne comporte aucun danger."

Malheureusement, une grande partie de la preuve sur l'innocuité du fluorure a pour fondement le travail effectué par les scientifiques du Programme F à l'Université de Rochester. Selon William H. Bowen, MD, le représentant de l'École dentaire affiliée, après la guerre, cette université est devenue un centre académique de pointe dans l'étude de l'innocuité et de l'efficacité du fluorure dans la réduction de la carie dentaire. Harold C. Hodge était le personnage clé de la recherche, ajoute Bowen – il est également devenu l'un des principaux promoteurs de la fluoration de l'eau au pays. Le Programme F ne s'intéressait à la fluoration que pour "contrer la peur du fluorure chez les résidents locaux", comme l'a écrit Hodge. Le programme de la bombe exigeait des études humaines sur le fluorure, exactement comme on avait auparavant exigé des études humaines sur le plutonium. L'injection de fluorure dans l'eau potable à grande échelle leur donnait justement cette opportunité.

Le programme de la bombe A et la fluoration de l'eau

Les scientifiques du programme de la bombe ont joué un rôle prédominant – bien que méconnu – dans la première expérience de fluoration de l'eau des États-Unis, à Newburgh, dans l'État de New York. Le projet pilote de Newburgh est considéré comme l'étude la plus chère de l'histoire sur les effets de la fluoration sur la santé, fournissant une grande partie des données visant à démontrer que les faibles doses de fluorure sont sans danger pour les os des enfants, mais bonnes pour leurs dents.

La planification débuta en 1943, avec la mise sur pied d'un comité spécial du département de santé de l'État de New York, dont le but était d'étudier les avantages de l'ajout de fluorure dans l'eau potable de Newburgh. Le président du comité était le Dr. Hodge, alors directeur des études toxicologiques sur le fluorure pour le Projet Manhattan.

Les membres subséquents incluaient Henry L. Barnett, capitaine de la division médicale du Projet et en 1944, John W. Fertig, du Bureau de la recherche scientifique et développement, le groupe du Pentagone qui engendra le Projet Manhattan. Leurs attaches militaires étaient secrètes: Hodge se présentait comme pharmacologiste et Barnett comme pédiatre. On nomma David B. Ast à la tête du projet de Newburgh, officier dentaire du département de la santé de l'État. Selon des mémos autrefois secrets, Ast avait participé à une importante conférence secrète en temps de guerre sur le fluorure organisée par le Projet Manhattan, et avait ensuite travaillé avec le Dr. Hodge dans l'enquête sur le tort causé aux êtres humains au New Jersey par le Projet Manhattan.

Le comité recommanda de fluorer l'eau de Newburgh. Il indiqua aussi quel genre d'études médicales devaient être menées et s'assura de "fournir des conseils d'experts" pendant toute l'expérience. On cherchait à répondre à cette question primordiale: "À part les dents, existe-t-il des effets cumulatifs, bénéfiques ou autres sur les tissus et les organes, en cas d'ingestion prolongée d'une si faible concentration ...?" Selon les documents déclassifiés, le programme de la bombe cherchait également à répondre à cette question, en raison de l'exposition prolongée des travailleurs et des collectivités au fluorure durant la Guerre froide.

En mai 1945, débuta la fluoration de l'eau à Newburgh et pendant les dix années suivantes le ministère de la santé en étudia les effets sur les résidents. Parallèlement, le Programme F mena ses propres études secrètes, en se concentrant sur l'étude de l'accumulation du fluorure dans le sang et dans les tissus des habitants de Newburgh – des informations importantes pour le programme de la bombe atomique: "Les effets toxiques éventuels du fluorure sont la considération la plus importante", affirma le comité consultatif. Le personnel du ministère de la santé coopéra en envoyant des échantillons de sang et de placenta au Programme F de l'Université de Rochester. Les échantillons furent recueillis par le Dr. David B. Overton, directeur des études pédiatriques à Newburgh.

Le rapport final du projet pilote, publié en 1956 dans le journal de l'Association dentaire américaine, conclut que "les faibles concentrations" de fluorure sont sécuritaires pour les citoyens des États-Unis. La preuve biologique -- "basé sur le travail effectué ... à l'Université de Rochester, affiliée au Projet d'Énergie atomique" – a été présentée par le Dr. Hodge.

Aujourd'hui, la nouvelle selon laquelle les scientifiques du programme de la bombe atomique ont secrètement façonné et guidé l'expérience de fluoration de Newburgh, et qu'ils ont étudié les échantillons de sang et de tissu des citoyens, est reçue avec incrédulité.

"Je suis choqué, je ne trouve pas les mots", s'exclama le Maire actuel de Newburgh, Audrey Carey, en commentant les découvertes des journalistes. "

Enfant durant les années 1950, le Maire Carey fut amené à une station de pompier sur la rue Broadway à Newburgh, où se trouvait la clinique de santé publique. Là-bas, des médecins du projet de fluoration de Newburgh avaient examiné ses dents ainsi qu'une étrange fusion de deux os des doigts de sa main gauche, une malformation de naissance. Aujourd'hui, sa petite fille a des marques blanches sur ses dents, un signe de fluorose dentaire, ajoute Carey.

Le Maire Carey veut obtenir des réponses du gouvernement sur l'histoire occultée du fluorure et sur l'expérience de fluoration à Newburgh. "J'y tiens absolument, dit-elle. Il est scandaleux de faire des expériences et des études sans aviser les gens et sans leur consentement."

Contacté par les journalistes, le directeur de l'expérience de Newburgh, David B. Ast, affime ne pas être au courant de l'implication des scientifiques du Projet Manhattan. "Avoir su, j'aurais certainement fait enquête pour savoir pourquoi et pour en comprendre les liens", dit-il. Et s'il avait su que des échantillons de sang et de placenta de Newburgh ont été envoyés aux scientifiques du programme de la bombe à l'Université de Rochester? "Je n'étais pas au courant", a-t-il répondu. Qu'en est-il de sa participation à la conférence secrète sur le fluorure en temps de guerre, organisée par le Projet Manhattan en janvier 1944, ou de sa visite au New Jersey avec le Dr. Hodge pour enquêter sur le tort causé aux habitants dans la cause DuPont, tel que documenté dans les mémos secrets? Il ne se souvient pas de ces évènements, a-t-il répondu aux journalistes.

Bob Loeb, porte-parole du centre médical de l'Université de Rochester, a confirmé que des échantillons de sang et de tissus de Newburgh ont été testés à l'Université par le Dr. Hodge. Questionné sur l'éthique d'une étude secrète impliquant des citoyens américains en vue d'obtenir des l'informations utiles en cas de poursuite contre le programme de la bombe atomique, il répond: "Nous ne pouvons répondre à cette question." Il nous réfère ensuite au Ministère de l'énergie des États-Unis (DOE), qui a succédé à la Commission de l'énergie atomique.

Jayne Brady, porte parole du DOE à Washington, a confirmé qu'un examen des archives du DOE révèle qu'une "raison importante" de ces expériences d'après guerre sur le fluorure à l'Université de Rochester était "le litige imminent entre la compagnie DuPont et les résidents du New Jersey". Cependant, "le DOE n'a trouvé aucun document indiquant que la recherche sur le fluorure visait à protéger le Projet Manhattan ou ses contractants."

Concernant l'implication du Projet Manhattan à Newburgh: "Aucune information n'indique que le DOE ou les agences antérieures – en particulier le Projet Manhattan—ont autorisé des expériences de fluoration sur les enfants durant les années 1940."

Lorsque l'on explique que les journalistes ont entre leurs mains plusieurs documents liant directement l'AEP, l'agence qui a succédé au Projet Manhattan à l'University de Rochester, à l'expérience de Newburgh, la représentante du DOE concède qu'elle a limité sa recherche à "l'ensemble des documents disponibles". Deux jours plus tard, la représentante Jayne Brady faxe un message pour clarifier les choses: "Ma recherche ne concerne que les documents rassemblées lors du projet d'expérimentation sur l'irradiation humaine – le fluorure ne faisait pas partie de nos efforts de recherche."

"Mais le plus important", poursuit le message, c'est que les documents pertinents pourraient être dans une collection secrète aux laboratoires nationaux de Oak Ridge du DOE, dénommée Records Holding Task Group. "Cette collection est entièrement composée de document classifiés, prélevés antérieurement à partir de divers dossiers, en tenant compte de l'imputabilité relative aux documents classifiés" et "c'est une source abondante de documents portant sur le projet d'expérimentation sur l'irradiation humaine".

La question cruciale qui émerge de cette enquête est: les effets néfastes sur la santé découverts à Newburgh et dans les autres programmes de la bombe ont-ils été occultés? Toutes les études financées par l'AEC doivent être déclassifiées avant de pouvoir être publiées dans les périodiques médicaux et dentaires civils. Où sont donc les versions originales classifiées?

La transcription de l'une des principales conférences secrètes de la Seconde Guerre Mondiale sur le métabolisme du fluorure est manquante aux archives nationales des États-Unis. Parmi les participants, se trouvaient des personnalités importantes. Après la guerre, ces personnalités allaient se charger de vanter l’innocuité du fluorure et de faire la promotion de la fluoration de l’eau: Harold Hodge du Projet Manhattan, David B. Ast du Projet Newburgh et H.Trendley Dean, dentiste des services de santé publique des États-Unis, connu comme le "père de la fluoration." "Si elle est manquante, c’est probablement parce qu’elle est encore classée secret défense", explique le libraire des Archives nationales aux journalistes.

Un rapport classifié du Projet Manhattan datant de 1944 portant sur la fluoration de l’eau est disparu des fichiers de l’Université de Rochester (affiliée au Projet de l’énergie atomique) et des Archives nationales du Nuclear Repository à l’Université de Tennessee à Knoxville. Les quatre documents numérotés suivants sont également manquants, alors que le reste de la "série MP-1500" est présente. "Soit ces documents sont encore classifiés, soit ils se sont 'fait disparaître' par le gouvernement", explique Clifford Honicker, directeur exécutif du Projet d’étude en santé environnementale des États-Unis de Knoxville au Tennessee, qui a fourni des données cruciales pour que le projet d’expérimentation sur l'irradiation humaine soit révélé au grand jour et fasse l'objet de poursuites.

D’un cahier de notes de 1947 du projet de la bombe à Rochester, dont le titre est "Litige avec DuPont", sept pages ont été arrachées. "Très curieux", note Chris Hoolihan, l’archiviste en chef de l’école médicale.(...)

Parallèlement, les demandes logées -- en vertu de la loi sur l’accès à l’information (FOIA) -- au DOE par ces auteurs il y a plus d’un an, afin de pouvoir consulter de centaines de documents classifiés sur le fluorure, n’ont donné aucun résultat. "Nous sommes en retard", explique Amy Rothrock, officier de la FOIA pour le Ministère de l’énergie à Oak Ridge.
L’information a-t-elle été occultée? Ces journalistes ont fait, semble-t-il, la première découverte de la version originale classifiée d’une étude sur la sécurité du fluorure, menée par des scientifiques du programme de la bombe. Une version censurée de cette étude a par la suite été publiée en août 1948 dans le périodique de l’Association dentaire américaine. La comparaison entre les deux versions montre que des informations potentiellement dommageables pour l’image du fluorure ont été censurées par l’AEC, au point où ç’en est tragicomique.

Il s’agit d’une étude sur la santé dentaire et physique des travailleurs d’une usine productrice de fluorure pour le programme de la bombe A, réalisée par une équipe de dentistes du Projet Manhattan.
* La version secrète du rapport indique que la majorité des hommes avaient perdu toutes leurs dents. La version publiée affirme que les hommes avaient moins de caries.
* La version secrète du rapport indique que les hommes devaient porter des bottes en caoutchouc parce que les émanations de fluorure désintégraient les ongles des orteils dans leurs souliers. La version publiée évite de le mentionner.
* La version secrète du rapport indique que le fluorure pourrait avoir eu le même effet sur les dents des hommes, contribuant à leur édentassions. La version publiée omet cette information.
* La version publiée conclut que "les hommes jouissent d’une santé splendide, tant au point de vue médical que dentaire."
Interrogé pour qu’il commente les liens originels entre le Projet Manhattan et la fluoration de l’eau, le Dr Harold Slavkin, directeur de l’Institut national de la recherche dentaire, l’agence états-unienne, qui de nos jours finance la recherche sur le fluorure, soutient : "Je n’étais au courant d’aucune contribution de la part de la Commission de l’énergie atomique." Néanmoins, il insiste pour dire que depuis 50 ans, l’efficacité et l’innocuité du fluorure dans la prévention de la carie dentaire ont étés bien prouvées. "La motivation d’un scientifique diffère souvent du résultat", pense-t-il à voix haute. "Je n’ai aucun préjugé sur l’origine d’une information donnée."
Après avoir comparé la version secrète et la version publiée de l’étude censurée, Phyllis Mullenix, toxicologue, déclare : "À cause de cela j’ai honte d’être une scientifique. Qu’en est-il des autres études sur la sécurité du fluorure menées en temps de guerre? Ont-elles toutes été produites de la même manière?", demande-t-elle.

[NDT: Notez que la compagnie DuPont est une propriété des Bronfman, tout comme la compagnie Colgate-Palmolive, qui offre une variété de produits à base de fluor. ]

par Chris Bryson & Joel Griffiths

ACTION FLUOR


 

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