INTRO
Squatter, c’est occuper un bâtiment abandonné, sans avoir demandé l’autorisation à son « propriétaire ». C’est, de fait, ne pas payer de loyer à des proprios qui possèdent plus d’un logement quand nous n’en possédons aucun. Squatter, c’est critiquer en actes un système qui veut que les riches continuent de s’enrichir sur le dos des pauvres.
Squatter, c’est aussi habiter au sens plein du terme : c’est être libre et responsable dans son lieu de vie. C’est pouvoir y faire ce que l’on veut sans se référer à un proprio qui de toute façon n’y vit pas.
C’est aussi un moyen de survie quand on ne peut pas/plus payer de loyer (un moyen qui peut mener à se questionner sur nos façons de vivre, sur le travail, la famille, la vie collective, le train-train quotidien, sur les possibilités de vivre nos idées dans une telle société).
Chaque squat est différent. Le quotidien dépend largement des contextes politique, socio-économique, juridique, inter-relationnel, etc., mais tout squat est « politique », dans la mesure où il bouleverse, même parfois involontairement, l’ordre social et la propriété privée.
Le squat est généralement dépendant des espaces laissés à l’abandon par la bourgeoisie et le système capitaliste. Il ne peut être considéré comme un but, mais tout au plus comme un moyen. Mais pas n’importe quel moyen : au-delà du logement, le squat peut être un lieu de résistance et d’expérimentation. Squatter, c’est prendre une part de l’interdit, briser la soumission à la légalité, c’est une recherche d’autonomie.
L’espace ouvert par les squats permet aussi de se retrouver dans des pratiques diverses : autogestion, gratuité, récupération/recyclage, réquisitions en tous genres, ouverture sur l’extérieur et confrontation des façons de vivre, débats, réflexions, ...
Cette brochure, écrite collectivement, en évolution permanente depuis sa première parution au printemps 1999, a pour vocation de fournir quelques informations nécessaires au « bon » déroulement de la vie d’un squat, depuis l’ouverture jusqu’à la fermeture. Elle ne se veut pas exhaustive et c’est à chacun-e d’y apporter les modifications appropriées.
OUVRIR UN SQUAT
INFOS PREALABLES
Jusqu’alors, le squat dépend de la juridiction civile, c’est-à-dire un conflit entre deux parties où il n’y a pas de risque de prison, contrairement à la juridiction pénale qui, elle, peut vous reloger directement derrière les barreaux, ou vous octroyer de la prison avec sursis, des T.I.G, amendes et autres “cadeaux” de l’Etat.
Ce qui peut éventuellement être considéré comme un délit et vous faire passer du coté pénal de la justice, c’est d’être pris en flagrant délit lorsque vous vous introduisez par effraction dans une maison. Méfiez-vous également lorsque le lieu squatté contient des objets de valeur, on peut théoriquement vous accuser de dégradation de biens privés ou de vol avec effraction.
CHOISIR SA MAISON
Repérage des lieux
Les repérages se font le plus discrètement possible.
Des maisons peuvent se trouver vides pour plein de raisons : spéculation, cumul de propriétés, projet public ou privé en attente, rachat progressif de lots de maisons pour un projet plus gros, réhabilitation en attente, insalubrité, division sur l’héritage, oubli, absence d’héritiers, fuite du propriétaire à l’étranger suite à des ennuis avec le fisc ou la justice française...
Il arrive aussi qu’un bâtiment soit vide seulement du fait d’une courte période de transition entre des locataires. Plus le bâtiment est vide depuis longtemps, plus il y a des chances qu’il le reste encore un moment et que le propriétaire n’ait pas de projet urgent (sachant qu’il en trouvera sûrement un très vite dès qu’il s’apercevra de votre occupation).
Observez si le lieu est bien vide et s’il n’y a pas de passage. Il y a divers indices : volets fermés, boîte aux lettres pleine de vieilles pubs, tas de feuilles mortes devant la porte, absence de noms sur la porte, jardin en friche, poubelles, état du bâtiment...
Pour vérifier s’il y a du passage, placez un bout de papier discret dans l’embrasure de chaque porte et vérifiez régulièrement leur présence. Si ce n’est pas possible dans la porte, mettez un petit bout de bois dans les serrures. Repérez les lieux à différents moments de la journée et de la semaine, notamment en dehors des horaires de travail. Les vacances et jours fériés ont tendance à être trompeurs et sont donc à éviter.
L’hiver à la tombée de la nuit est une période pratique pour repérer la présence d’occupation (lumières allumées ou non). Ceci dit, il arrive que des propriétaires (encore plus fourbes que la norme) installent des lumières reliées à des minuteurs qui s’enclenchent lorsqu’il fait nuit.
Avant la première visite, observez la maison de l’extérieur : prenez en compte les entrées et leur solidité, leur visibilité depuis le voisinage, leur accessibilité, ...
Vérifiez qu’il n’y ait pas de boîtiers ou d’autres signes qui pourraient trahir la présence d’une alarme à l’intérieur du bâtiment. Quand vous entrez dans une maison et qu’un flash rouge clignote à l’intérieur en hauteur, il s’agit très certainement d’une alarme (à ne pas confondre avec un simple éclairage relié à un détecteur de mouvements et généralement en extérieur). Parfois, les alarmes sont sonores et puissantes. Il arrive que ces alarmes soient reliées à un central et à des vigiles. Si vous avez un doute et que vous vous bougez les fesses à ce moment-là, vous pouvez généralement encore avoir le temps de partir avant l’arrivée de flics ou de vigiles (il est d’ailleurs possible de revenir quelques jours plus tard vérifier si cela a provoqué un changement quelconque, car ce n’est pas toujours le cas).
Il est souvent plus sûr de visiter les lieux avant l’ouverture définitive du squat. Cela permet d’obtenir des informations sur l’état des planchers et des murs, des systèmes d’eau et d’électricité, du nombre de pièces (en fonction de la place nécessaire) et sur la possibilité de barricadage futur du squat (prendre les mesures pour serrures et matos de barricadage).
N’hésitez pas à sonner avant d’entrer dans la maison, avec une excuse bidon au cas où vous tombiez sur des habitant-e-s. Cela ne sert à rien de visiter le lieu à quinze, il vaut mieux être discret-e-s. Faites attention à ne pas courir partout en visitant car la maison peut-être pourrie, en particulier les planchers. De même, n’éclairez pas les fenêtres, cela pourrait vous faire voir du voisinage. Il est possible de diminuer la luminosité des lampes de poche en les cachant sous vos manches ou avec du tissu. Gardez en tête qu’il arrive quelquefois que l’on rencontre d’autres personnes dans des maisons vides (sans logis, visiteur-e-s d’un soir, ...). Si vous vous faites prendre à visiter un lieu, prévoyez une excuse bidon (recherche d’un endroit pour la nuit, pari “débile” entre jeunes “débiles”, etc.).
Selon les contextes, il peut quelquefois être plus pratique de repérer de jour. Dans ce cas on peut se munir d’un appareil photo et prétexter être des étudiant-e-s en art, vouloir tourner un film ou autre projet “créatif”...
Quelques outils peuvent vous être utiles (pied de biche, marteau, tournevis...).
Les intempéries (pluie, tempête, matches de foot, fêtes populaires...) permettent de couvrir les éventuels bruits inhabituels pour le voisinage. Il y a plein de moyens d’ouvrir une maison : il y a souvent une faille, il faut donc tester toutes les entrées possibles et leurs fixations de manière systématique : volets, portes, toits, caves, y compris les portes et protections Sitex (des grosses plaques en métal avec ou sans petits trous), ainsi que tous les autres barricadages anti-squat qui n’empêchent pas forcément d’entrer, voire qui peuvent fournir un très bon barricadage une fois que vous serez à l’intérieur...
A noter que ce n’est pas parce qu’une maison est murée qu’elle n’est pas ouvrable et tenable. C’est possible de rentrer par les fenêtres et d’attendre le passage des keufs pour démurer ou de l’ouvrir en démurant durant une action collective et de tenir le rapport de force malgré l’effraction un peu plus évidente dans ce cas précis.
A éviter :
Les logements meublés, les lieux avec du matériel informatique... Même si ce n’est pas toujours le cas, il y a plus de risques de poursuites pour violation de domicile, dégradation volontaire et vol (délits relevant du pénal). Un certain type d’ameublement peut être l’indice que des personnes viennent y vivre de temps en temps (résidence secondaire...) ce qui peut être problématique, si les proprios prouvent rapidement qu’ils utilisent régulièrement le lieu alors les flics risquent de réagir violemment...
Les bâtiments dont les structures (toits, murs, planchers...) sont trop délabrés, du fait du danger pour les occupant-e-s, mais aussi parce qu’un arrêté de péril peut avoir été déposé ou l’être suite à l’occupation, ce qui amène des possibilités d’expulsion quasi immédiate.
Bien choisir son propriétaire
N’hésitez pas à faire une petite enquête auprès des voisin-e-s et un tour au cadastre pour en savoir un peu plus sur le proprio (il y a des risques de refus, certains cadastres font payer ou demandent une identité, certains se méfient des squatteur-euse-s, alors cherchez d’autres prétextes...).
Si le cadastre refuse, il est possible de s’adresser au “Bureau des hypothèques” qui doit fournir aux personnes qui les demandent les titres de propriété des immeubles (moyennant 15 euros, mais vous repartez avec les papiers). Ces titres de propriété peuvent s’avérer utiles pour prouver que la personne qui vous met en procès ne serait pas réellement le propriétaire.
Il est aussi possible de se renseigner sous divers prétextes (tournage de film, école d’architecture...) aux bureaux de la communauté urbaine, qui gèrent les plans d’occupation des sols ou les permis de construire, en particulier en ce qui concerne les bâtiments publics.
pagesjaunes.fr peut aussi s’avérer un outil pratique pour faire des recherches sur les proprios.
Préférez les instances d’héritage (problèmes de succession) ou les opérations d’urbanisme en panne (où l’achat de terrain bloque la réalisation). Les permis de construire et de démolir sont légalement périmés au bout de 5 ans (cela est géré par la mairie et s’y trouve affiché), ce qui peut indiquer un projet envisagé puis abandonné.
En revanche, le fait qu’il y ait un permis de construire ou de démolir déposé sur la maison peut laisser penser que le propriétaire se préoccupe un minimum de cette maison et qu’il peut y avoir un projet en cours.
Les institutions publiques comme les mairies possèdent souvent plein de locaux vides. Squatter ces bâtiments peut contribuer à créer un rapport de force avec les institutions locales plus facilement qu’avec des propriétaires privés, ainsi qu’à mener des batailles politiques sur le logement et l’urbanisme. Dans certaines villes, les mairies peuvent être plus coulantes, vouloir négocier, laisser traîner, voire proposer des baux précaires, dans d’autres contextes, elles sont au contraire plus répressives et efficaces que les propriétaires privés. Elles peuvent, par exemple, se payer de bon-ne-s avocat-e-s, apprendre à mieux se défendre d’une affaire sur l’autre et n’aiment généralement pas les gens qui viennent troubler leurs politiques locales. Quelquefois, leur complicité avec la préfecture peut les aider à passer outre les voies juridiques normales et à obtenir des expulsions illégales. Le fait que les mairies soient de gauche ou de droite ne change rien en terme de répression et ne signifie pas une plus grande marge de manoeuvre.
Quelquefois, des apparts isolés sont vides parce qu’un proprio individuel ne s’en occupe pas au sein d’un immeuble, parce que les proprios attendent que tout soit vide pour rénover ou détruire... Il est parfois possible d’occuper et de rester plus discrètement dans un appart vide que dans une maison, surtout si on est en bon terme avec les habitant-e-s de l’immeuble ou s’ils ne se sont pas rendu compte que vous squattiez.
Les terrains militaires posent a priori des problèmes spécifiques avec des possibilités d’expulsion et d’intervention accélérées et sont donc à éviter, mais le fait que le propriétaire d’une maison soit l’armée ne signifie pas automatiquement qu’il s’agit d’un terrain militaire.
Il arrive que des gens obtiennent des arrangements divers et variés, oraux ou écrits, avec leur propriétaire (conventions, baux précaires, échanges de bons procédés...), sachant que les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient.
Cependant, le fait de trouver des formes de légalisation avec des "gros" propriétaires peut suivant les cas, limiter l’autonomie du squat, ou être instrumentalisé par l’ennemi dans une stratégie de "diviser pour mieux régner" et s’avérer ainsi néfaste aux autres squats de la ville qui ne seraient pas dans ce type de dialogue ou de conventionnement (que ce soit par refus ou impossibilité pratique).
L’INSTALLATION...
L’ouverture
Souvent les gens ouvrent de nuit, changent les verrous et barricadent directement. Il est aussi possible de tenter l’ouverture directement de jour, au culot, par exemple habillé-e-s en bleu de travail. On peut occuper de manière visible au rapport de force en groupe ou à la fin d’une manif (par exemple, quand un démurage bruyant s’impose pour entrer, que le bâtiment est trop visible...).
Le kit de survie
Penser à apporter de l’eau, de la nourriture, des sacs de couchage (couvertures en cas de grand froid), de la lumière (lampe de poche, bougies, allumettes, ...). Voici un exemple de kit d’outils utiles de base : marteaux, tournevis plats et cruciformes, pied de biche, vis, serrures à la bonne taille, clous, perceuse sans fil, lime, ciseau à bois, chaîne et cadenas pour mettre autour des grilles, un mètre, ...
Amenez aussi de quoi barricader, suivant les possibilités : des étais, du bois, des serflex pour les volets, des crochets “porte-barre” pour mettre sur les portes et des barres en métal... Il peut être sage de ne pas emporter trop d’affaires personnelles avant le premier passage des flics.
Posez immédiatement un verrou pour ne pas que le proprio puisse encore utiliser sa clé et barricadez les entrées potentielles du lieu pour ne pas que les flics puissent entrer en force, vous foutre dehors et tout refermer.
Réparez le plus vite possible tout dommage matériel causé aux portes et fenêtres pour amoindrir les risques d’une procédure de flagrant délit pour effraction, ainsi que d’une entrée en force des flics sur un point de fragilité visible.
Si vous faites le choix d’une défense juridique (voir chapitre “Face à la justice”), mettez très vite des noms visibles sur votre boîte aux lettres et votre porte afin que l’huissier ne puisse lancer une procédure sur requête anonyme (ce qui ne vous permettrait pas de vous défendre devant un-e juge et d’éventuellement obtenir des délais).
Il est préférable, pour obtenir l’aide juridictionnelle et en cas d’amendes, que les personnes qui mettent leur noms ne soient pas solvables (que leurs revenus ne soient pas suffisamment élevés pour pouvoir payer des amendes) et aient des comptes en banque pas trop fournis. Il est possible de mêler des faux noms aux vrais pour augmenter le nombre d’habitant-e-s ou d’avoir des “prête-noms”. Si vous voulez vous faire défendre par un-e avocat-e, il vous faudra quand même quelques vrais noms pour que les avocat-e-s puissent au moins bénéficier d’une ou deux aides juridictionnelles.
Vous pouvez faire connaître au voisinage votre installation sur les lieux par des petits tracts distribués dans les boîtes aux lettres. Cela permet de rendre publique une ouverture d’abord discrète et de rassurer le voisinage. Si vous souhaitez tenter de vous mettre en bons termes avec les voisin-e-s, vous pouvez aussi aller les voir directement, les inviter à un goûter...
Une lettre timbrée, donc datée, à vos noms et nouvelle adresse, peut s’avérer utile lors du passage de la police (voir “Premiers contacts avec la police” sur la question des 48h). Pour cela, n’hésitez pas à vous envoyer du courrier. Si vous souhaitez des courriers antérieurs à votre arrivée, vous pouvez vous écrire à une adresse au crayon de papier et modifier après réception l’adresse sur l’enveloppe au stylo.
Si vous faites le choix d’une défense juridique, prenez des photos du lieu "avant/après", cela peut être utile pour montrer l’ampleur de vos travaux dans le bâtiment, pour montrer que vous n’avez pas abîmé les lieux, ...
Premiers contacts avec la police, le proprio, les huissiers
Tous les conseils que nous donnons par la suite ne sont pas à prendre comme des règles mathématiques sur ce qui peut arriver. Elles dépendent de vos choix stratégiques et du contexte local : propriétaire, taille du bâtiment, nombre de personnes, état de la “scène squat” locale, méthodes policières, rapport de force entre squatteur-euse-s et flics, mais aussi de votre propre rapport aux autorités, aux institutions, à la confrontation.
Les flics peuvent débarquer dès qu’ils auront été informés de votre installation : c’est bien de rester vigilant si possible, et aussi de rester avec quelques personnes dans les lieux jusqu’au premier passage des flics.
Un choix possible, dès 48h ou dès que vous êtes barricadé-e-s proprement et que vous avez changé les verrous, est d’appeler les flics vous-même (par exemple en se faisant passer pour des voisin-e-s ayant constaté une occupation ou autre) afin de choisir le moment où ils passeront. Cela permet d’être sûr qu’il y ait du monde et de ne pas vivre dans l’attente de leur passage pendant plusieurs jours.
D’autres font le choix d’être le moins visibles possible en espérant qu’ils passeront le plus tard possible. Il est possible qu’ils soient moins speed s’ils s’aperçoivent par hasard de l’occupation après un certain temps, cela fait cependant courir le risque qu’il n’y ait personne dans la maison lors de leur passage, qu’ils entrent et ferment tout. Dans tous les cas, leur réaction est dure à prévoir.
Face aux flics, aux huissiers ou au proprio, montrez que vous êtes sûr-e-s de vous, que vous connaissez vos droits (voir annexes sur ce qu’il y a à dire aux huissiers et aux flics en cas d’urgence).
De façon générale, il est important de rester flou et de divulguer le moins d’infos potentiellement problématiques aux flics, aux huissiers, au proprio, aux voisin-e-s ou aux gens de passage avec qui vous ne partagez pas une confiance forte (détails personnels, nombre d’habitant-e-s, piratages éventuels, points faibles du lieu, ...).
Méfiez-vous si flics, huissiers ou proprio veulent “entrer pour discuter”, il vaut mieux garder ses distances avec ces gens-là... Ils pourraient en profiter pour rester, vous traîner au poste, inspecter toute sorte de choses que vous ne préférez pas qu’ils voient. Restez barricadé-e-s et parlez-leur depuis une ouverture en hauteur.
Précisez, même si c’est faux, que vous êtes là depuis plus de 48 heures, ce qui évite le flagrant délit qui pourrait amener les flics à se considérer en droit de faire une expulsion immédiate. Vous n’aurez a priori pas à prouver devant un tribunal que vous étiez là depuis plus de 48h. Mais l’affirmer peut jouer dans une confrontation orale avec les flics. Vous pouvez vous contenter de leur répéter de manière déterminée, mais aussi demander des témoignages de voisin-e-s qui seraient présent-e-s lors du passage des flics, leur montrer des courriers reçus depuis votre occupation, ...
Montrez que vous connaissez la loi (quoique l’on en pense par ailleurs), c’est souvent un outil puissant face aux flics (qui eux-mêmes ne la connaissent bien souvent qu’approximativement ou l’interprètent comme bon leur semble) et une base parmi d’autres pour comprendre ce qui nous arrive, évaluer une situation et s’en sortir dans diverses situations.
S’il y a des traces évidentes d’effraction, c’est un peu embêtant, mais vous pourrez toujours dire que c’est d’autres personnes que vous qui les ont causées et que la porte était ouverte quand vous êtes entré-e-s. N’avouez aucune effraction.
Voilà un discours juridique type qu’il est possible de servir à la police, à adapter évidemment suivant vos choix stratégiques vis-à-vis de la justice :
« Nous sommes ici depuis quelques jours et installé-e-s. La maison était vide et ouverte. Ce lieu est dorénavant notre domicile et notre résidence principale(selon l’article 102 du code civil, “le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement”). Agir hors du cadre procédural, c’est heurter un des grands principes du droit français, l’inviolabilité du domicile (selon l’article 432-8 du code pénal, “le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de mission auprès du service public, agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende”). Notre nom est affiché sur la porte de l’immeuble. Dès lors, toute mesure d’expulsion doit être l’objet, non d’une expulsion immédiate “illégale” ou d’une requête d’ordonnance d’expulsion, mais d’une procédure contradictoire au Tribunal d’Instance, où il doit être laissé la possibilité aux occupant-e-s de l’immeuble de se défendre par le biais d’un-e avocat-e et de faire valoir leur droit à des délais (selon la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, “si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L.613-1 à L613-5 du code la construction et de l’habitation, qu’à l’expiration du délai de deux mois qui suit le commandement”). »
Le passage de la police (main courante) date “officiellement” votre entrée dans les lieux.
Parfois, les flics sont particulièrement énervés et tentent l’intimidation par différents moyens (coups dans les portes, pied de biche, lacrymos, grimper aux fenêtres, arriver par derrière, ...).
Ils vont souvent aussi examiner les possibilités de pénétrer dans le squat. C’est pourquoi il faut absolument être vigilant par rapport aux ouvertures diverses (soupiraux, portes, fenêtres) que vous devez rapidement barricader, de manière à tenir lors d’un passage de la police, de vigiles, de gros bras ou de serruriers.
Quelquefois, le fait de leur mettre la pression oralement peut au final les faire reculer : Il faut paraître sûr de soi et des lois, déterminé, les bluffer sur le passage de médias, connexion d’avocat-e-s et tout ce qui pourra bien leur paraître sérieux et les faire reculer.
En cas de coup dur (tentative d’expulsion, agressions, ...), il est important d’avoir quelques personnes à l’extérieur sur qui on peut compter, de lancer une chaîne téléphonique et de rassembler un maximum de monde pour venir vous soutenir. Il arrive régulièrement qu’après s’être énervés un coup, ils finissent par lâcher l’affaire, alors ne paniquez pas. Suivant les stratégies locales et votre goût des médias, vous pouvez aussi prendre quelques numéros de rédactions de journaux, radios et télés locales. La venue de journalistes sur les lieux peut freiner les ardeurs de la police... ou pas.
Les flics essaient parfois de contrôler l’identité ou de fouiller les personnes en soutien dehors qui devraient donc faire gaffe à ce qu’elles ont sur elles à ce moment-là.
S’ils n’essaient pas de vous virer par la force, les flics vous poseront au mieux quelques questions de routine : vos noms, combien vous êtes, depuis quand vous êtes dans les lieux, s’il y a des familles, des enfants en bas âge, quelle profession vous exercez, ...
Par exemple, il est préférable de ne pas leur dire que vous n’êtes que deux à l’intérieur. Moins la police aura d’informations, mieux ce sera. Vous n’êtes évidemment pas obligé-e-s de leur répondre. Pour des questions de tranquillité, vous pouvez toutefois choisir de le faire. Mais cela ne constitue en rien une garantie de non harcèlement de leur part.
Suite à ce premier contact, les policiers vont généralement chercher le proprio et lui signaler l’occupation, voire le pousser à déposer plainte et à engager une procédure rapide. La police procède parfois aussi à une enquête de quartier, elle peut inciter les voisin-e-s les plus proches à porter plainte contre vous.
L’huissier passe quant à lui une fois que le propriétaire a décidé de lancer une procédure d’expulsion. Si vous souhaitez vous défendre en justice, il faut lui donner des noms (des vrais et/ou des faux si vous voulez paraître plus nombreux). Comme il peut passer quand vous n’êtes pas là, faites alors en sorte de laisser des noms visibles sur la boîte aux lettres.
EAU ET ELECTRICITE A TOUS LES ETAGES
Dans la mesure du possible, essayez d’installer (ou de réinstaller) l’eau et l’électricité par vous-mêmes. Mais gare aux coupures ! En cas d’intervention, réagissez, ne vous laissez pas faire et mettez en place un rapport de force pour les empêcher de vous couper (occupez les locaux d’EDF et des compagnies d’eau dans des actions publiques ou par exemple mouillez l’agent EDF lors de son passage, murez le compteur, coulez du béton après avoir ouvert l’eau s’il y a une coupure générale à l’intérieur, ...). Si vous piratez, essayez d’être discret-e-s, fermez les volets le soir. Pirater l’électricité est un délit pénal passible d’amende ou de prison. Toutefois, EDF se contente en général de couper.
Quelques conseils si vous voulez pirater
Pour l’électricité, vous pouvez déjà essayer de remettre le compteur en route. Sinon, remettre l’électricité peut poser quelques problèmes de sécurité et nécessite quelques connaissances techniques. Vérifiez quand même que le circuit n’est pas trop pourri avant de la remettre (risques d’incendie, d’électrocution et autres joyeusetés).
Vous pouvez aussi faire remettre l’électricité par EDF et bloquer ensuite le compteur à l’ancienne (cela ne marche que sur les vieux compteurs, demandez là aussi des conseils) ou pirater en parallèle un autre circuit.
Pour l’eau, voyez si vous pouvez la remettre vous même.
Regardez dans la maison, souvent dans la cave, s’il y a une vanne et un compteur. Faites alors des tests avec au moins un robinet ouvert pour ne pas exploser les tuyaux fragilisés. Si le compteur est retiré, vous pouvez rajouter un bout de tuyau flexible pour faire la jonction.
Si la vanne à l’intérieur ne permet pas de faire arriver l’eau, c’est sûrement coupé dans la rue. Cherchez alors des petites plaques en fonte à l’extérieur (15cm de diamètre). Au fond, il y a une vanne qui peut s’ouvrir avec une clé spéciale (à Paris, ça se passe directement dans les réseaux d’égouts).
Si toute la tuyauterie est pourrie et que vous n’avez pas la possibilité de faire de la plomberie, vous pouvez aussi réaliser un système rudimentaire à base de tuyau d’arrosage pour avoir au moins une arrivée d’eau. Faites couler l’eau plusieurs minutes avant de la boire.
Il est grandement recommandé d’éviter d’utiliser le système au gaz si l’immeuble est resté vide depuis des années (ou alors demandez à quelqu’un qui s’y connaît et vérifiez sérieusement l’état des conduits et du système).
Quelques conseils si vous voulez payer
En premier lieu, toutes les irrégularités que pourraient constater les agents techniques ne sont pas de votre fait, c’était comme ça quand vous êtes arrivé-e-s...
Quelquefois, il n’est pas trop compliqué de se faire installer les fluides ou le téléphone. Mais attention, les refus de la part des administrations peuvent arriver. Encore une fois, des pressions diverses sont possibles. Vous pouvez aussi attendre une demi-heure et espérer tomber sur un-e autre standardiste.
Pour EDF, il peut être utile de leur donner le nom de l’ancien-ne abonné-e si vous le connaissez, pour apparaître comme un-e locataire normal-e. Parfois, il s’avère utile d’avoir une autre facture à leur fournir, celle de téléphone par exemple.
En cas de refus, mettez-leur la pression et rappelez-leur que le rôle d’EDF n’est pas de se substituer à la justice et donc de décider de la légalité de votre installation dans les lieux. Argumentez sur le fait que l’électricité est un besoin vital de nos jours. Au terme du cahier des charges de distribution publique d’énergie électrique, le concessionnaire EDF est tenu de fournir l’électricité à toute personne qui demande à contracter un abonnement sans la justification de l’occupation légale des lieux par le proprio (voire annexe sur EDF). Au pire, s’ils jugent que le circuit n’est pas en état, ils doivent légalement au moins vous mettre un compteur de chantier (qui coûte néanmoins plus cher à l’installation).
Vous pouvez occuper les locaux d’EDF, qui eux sont bien chauffés, jusqu’à ce qu’ils acceptent d’installer l’électricité. EDF tient beaucoup à son image de marque et l’action directe peut parfois remuer une non-décision stagnante.
Pour l’eau, utilisez les mêmes procédures. L’eau étant reconnue comme vitale, en cas de refus, attaquez-vous à la compagnie dont vous dépendez (Régie municipale, CGE, Lyonnaise des eaux, SAUR/Bouygues, ...), elle sera sûrement ravie de découvrir de nouveaux clients après des pressions adéquates et un peu de barouf public.
FACE A LA JUSTICE
RESISTER NE PASSE PAS FORCEMENT PAR LES TRIBUNAUX
Une procédure juridique peut être lancée contre vous entre quelques heures et quelques mois ou années après votre arrivée officielle dans les lieux. Quelques fois les proprios, pour diverses raisons, ne s’aperçoivent pas de votre occupation, laissent traîner, ou si vous êtes chanceux, ne jugent pas opportun de vous assigner au tribunal.
Certaines personnes ne veulent pas se compromettre avec la justice et laisser la procédure se dérouler sans s’en inquiéter (pour économiser de l’énergie, par refus d’apparaître dans les tribunaux, par volonté de miser sur d’autres types de résistance et de rapports de force), d’autres préfèrent l’utiliser pour gagner du temps.
La défense juridique est un outil possible parmi d’autres. Dans tous les cas, ce n’est pas parce que l’on se défend au tribunal qu’il faut négliger d’autres axes de résistance sur lesquels nous ne nous étalons pas ici mais qui sont cruciaux et en comparaison desquels la défense juridique peut parfois s’avérer anecdotique : visibilité, pressions publiques, actions, manifs, harcèlement des proprios, communication sur le quartier et au-delà. Le contexte local est relativement décisif dans le choix de l’énergie que l’on consacre ou non à une défense juridique. En effet, certaines préfectures laissent courir du temps entre le moment où elles accordent le recours à la force publique et le moment où elles procèdent à l’expulsion, ou respectent d’elles-mêmes la trêve d’hiver, par contre il est très dur de savoir quand les flics vont débarquer. Dans d’autres villes où la préfecture est prompte à expulser, une procédure peut réellement permettre de gagner du temps. Cela dépend souvent de la densité de la ville, du rapport de force entre squatteur-euse-s et forces répressives... Quand des squats arrivent à durer pendant des années, ce qui est parfois le cas, c’est généralement dû à plusieurs paramètres (dont la défense juridique peut être un élément parmi d’autres).
LES DIVERSES PROCEDURES
L’ordonnance sur requête
Les procédures judiciaires prennent plusieurs formes. La plus mauvaise pour les squatteur-euse-s est celle de l’ordonnance sur requête qui est en fait un jugement non nominatif et non contradictoire, c’est-à-dire que l’on vous juge sans votre présence, sans votre avocat-e et sans même que vous ne soyez au courant. De plus, les appels et requêtes contraires sont non suspensifs, c’est-à-dire que durant la procédure vous restez expulsables.
Contre cette procédure, quelques tuyaux : si vous êtes au courant qu’une procédure non nominative est en cours contre vous, contactez votre avocat-e afin qu’il agisse vite, il peut se renseigner aux greffes et faire appel de l’ordonnance sur requête pour l’empêcher d’aboutir.
Vous pouvez demander des témoignages de gens du quartier pour qu’ils affirment que vos noms étaient bien visibles sur la boîte aux lettres.
Vous pouvez choisir de devancer les démarches du proprio en prenant contact avec lui dès votre installation, en lui expliquant (sincèrement ou non) votre démarche, pour essayer de gagner du temps.
Vous pouvez aussi, si avez de très fortes raisons de croire qu’il va faire une procédure anonyme, lui envoyer en recommandé ou lui faire envoyer par votre avocat-e un rappel à la loi (voir annexe sur le “rappel à la loi“).
Le référé nominatif
L’autre procédure est un référé nominatif contradictoire au tribunal d’instance qui vous permet de vous défendre et de demander des délais. Il peut arriver que dans des cas très spécifiques de bâtiments d’utilisation publique, la procédure passe par le tribunal administratif.
PREPARER SA DEFENSE
Mise en place d’un dossier de défense juridique
A partir du moment où le proprio est en possession de votre nom, il peut vous attaquer devant un tribunal. Il vous sera alors remis par l’huissier une assignation en justice (en main propre ou à aller chercher à la mairie) que vous devez lire avec attention pour vérifier la validité de l’adresse et des noms qui y sont portés (une erreur à ce niveau peut vous faire gagner du temps). Une fois assigné en justice, si vous gagnez moins que le SMIC (vérifiez sur les papiers officiels du tribunal pour les chiffres exacts), vous avez droit à l’aide juridictionnelle.
Cherchez un-e avocat-e, au mieux à l’avance et au pire dès la réception de votre assignation. Il peut être utile de vous renseigner par avance dans votre ville sur des avocat-e-s militant-e-s ou sur celles et ceux qui acceptent de bosser avec l’aide juridictionelle (les avocat-e-s qui bossent pour les histoires de sans-papiers, qui sont au Syndicat des Avocats de France, ...).
A part si vous faites le choix de vous défendre vous-mêmes (ce qui est possible, mais le plus souvent pas très apprécié des juges), il est très rare qu’un juge vous demande de parler lors du procès.
C’est votre avocat-e qui va se faire votre “porte-parole“ face à la justice. Vous pouvez débattre avec lui de la stratégie à adopter, mais au final un avocat doit accepter vos axes de défense sans considérer qu’il sait forcément mieux que vous ce qui vous convient. Le fait qu’il accepte un travail commun avec vous et non simplement de vous “prendre en charge“ est selon nous un critère de choix important. Un avocat n’est ni un camarade, ni un pote, ni un psy, mais un auxiliaire de justice à qui vous n’avez pas à tout dire.
Les avocat-e-s peuvent être de bon conseil mais n’auront pas forcément des choix plus pertinents d’argumentation que vous, voire ne s’y connaîtront parfois que très peu en affaire de squats. Vous devrez donc souvent leur amener des éléments : argumentations, jurisprudences et même des textes de loi.
Il faut également savoir que l’aide juridictionnelle ne rapporte quasiment rien aux avocat-e-s et que même s’ils sont sympathisants, ils ne vont pas passer des heures à préparer votre affaire. Si vous voulez un dossier fourni, il va falloir le constituer vous-mêmes et venir si possible dès le premier rendez-vous avec des documents, témoignages du voisinage en votre faveur, demandes de logement social, photos, chronologie des événements, ... de manière à peu près triée pour que votre avocat-e s’y retrouve et puisse utiliser les pièces.
La loi française défend très fortement la propriété privée. Le dit “droit au logement“ pèse généralement bien peu face au souverain “droit de propriété“. Même si vos proprios ont douze autres immeubles vides, qu’il n’y a pas de projet et que vous avez bien besoin d’un toit, dans 99% des cas, les squatteur-euse-s perdent juridiquement au sens où le droit de les expulser immédiatement ou après quelques mois de délai sera finalement reconnu. Les procès ne rapportent souvent rien, ça dépend beaucoup de l’humeur du juge, de son parti pris sur ces affaires, des jurisprudences et habitudes que vous pourrez avoir mis en place localement. Néanmoins, la durée de la procédure peut vous permettre de gagner du temps (de quelques jours à quelques mois), voire d’obtenir des délais (de quelques semaines à quelques mois). Contrairement à d’autres types de procès, plus la procédure traîne, notamment avec des demandes de report, plus ça vous arrange.
Il peut être utile que votre avocat-e se renseigne sur le juge qui sera présent le jour du procès. En fonction de sa sensibilité, votre choix d’argumentation juridique peut changer.
Pour décider d’un certain axe de défense juridique et déterminer une argumentation pertinente, il faut commencer par étudier soigneusement l’assignation et voir sur quoi le proprio vous attaque.
Les attaques les plus classiques visent à démontrer que vous êtes occupant-e-s sans droit ni titre (ce qui suffit dans la plupart des cas à obtenir votre expulsion), que vous causez des troubles à l’ordre public, que vous êtes entré-e-s par effraction, que vous êtes en danger dans l’immeuble en question, que vous dégradez le bâtiment, qu’il y a un quelconque projet urgent, que vous n’êtes pas dans la nécessité, que vous n’habitez même pas là, ...
Vous pouvez contre-attaquer sur ces divers arguments, à l’aide de divers documents (preuves de précarité, certificats Assedic ou RMI, fiche de paye, carte d’étudiant, demandes de logement social, témoignages écrits de bon voisinage, documents officiels sur l’absence de projet d’urbanisme, preuves que les permis de démolir ou de construire datent de plus de trois ans, photos de travaux que vous aurez effectués, ...).
Soyez imaginatifs !
Gardez toutes traces d’échanges écrits avec le proprio. Elles pourront toujours vous être utiles au tribunal pour marquer un dialogue voire une convention tacite. Une facture (Télécom, EDF, eau) peut être une preuve de domiciliation ainsi que des papiers d’identité à l’adresse du lieu.
Le squat dans lequel vous vivez est votre unique logement, précisez-le. Par exemple, si vous avez préalablement fait une demande de logement social (renouvelable périodiquement), faites-le valoir, de même si vous avez proposé un accord ou de l’argent au proprio. Vous pouvez toujours faire une demande de logement social même si vous n’en souhaitez pas vraiment, l’important est d’avoir le papier comme quoi vous êtes en liste d’attente et qu’il n’y a rien pour vous pour l’instant. En général, c’est celui-là qu’ils donnent...
Pour des témoignages écrits, vous pouvez récupérez des fiches-type auprès de votre avocat-e. Les témoins devront aussi vous fournir une photocopie de leurs papiers d’identité.
Vous découvrirez souvent avec étonnement que des maisons abandonnées depuis des années et dont les propriétaires se désintéressaient se voient généralement attribuées des projets importants et urgents dès qu’elles sont squattées. Les proprios publics donneront souvent un couche de social au projet (logement social, centre social, ...) pour faire bonne figure. Ne vous laissez pas embobiner, la plupart du temps l’urgence de ces projets est imaginaire, voire le projet en lui-même est bidon, et les maisons restent souvent murées des années après leur expulsion. Il peut être intéressant de prouver qu’il n’y a pas de permis de démolir ou de construire, de trouver des documents officiels qui attestent qu’il n’y a pas de projet à court terme.
La défense d’un squat peut prendre plusieurs orientations (qui ne sont pas forcément contradictoires), tout est dans la tactique et la stratégie, puisqu’il n’y a aucune illusion à se faire sur le fondement moral du système judiciaire actuel... surtout quand on est pauvre.
Les divers axes de défense
De manière générale, trois axes de défense peuvent se croiser :
Axe procédural et vice de forme :
Il peut y avoir diverses erreurs (noms, adresse, ...) et vices de forme dans l’assignation. Il est possible d’obtenir des reports de procès sous divers prétextes.
Certains juges (encore plus sournois que la norme) considèrent que le fait d’occuper une maison sans droit ni titre est en soi une “voie de fait”, d’autres au contraire considèrent qu’en l’absence de preuves d’effraction, la voie de fait n’est pas caractérisée. Il y a de nombreuses jurisprudences en ce sens en faveur de squatteur-euse-s. A ce sujet, il peut être important de prouver que vous êtes rentré-e-s en ”toute bonne foi” dans une maison à l’abandon, ouverte, qu’elle avait déjà été squattée auparavant, ...
C’est important car si le juge considère qu’il y a voie de fait, il peut décider de faire annuler explicitement le délai de procédure de deux mois prévu par l’article 62 de la loi 91-650 du code de procédure civile. En dehors de ce cas spécifique, ce délai de deux mois doit être systématiquement accordé pour toute expulsion de locataires ou de squatteur-euse-s.Axe misérabiliste :
La notion de précarité est ce qui peut vous permettre prioritairement selon la loi française d’obtenir des délais (ceux prévus par les articles L613-1 à L613-5). Vous devez argumenter de vos difficultés économiques et sociales insurmontables, de vos études à terminer et de vos examens à passer, de l’impossibilité d’obtenir rapidement un logement social sur la ville...La trêve d’hiver peut vous faire gagner du temps si vous réussissez à en bénéficier (ce qui devrait être le cas pour la plupart des squats). Elle dure au moins du 1er novembre jusqu’au 15 mars de l’année suivante (parfois plus - voir annexe sur l’article L.613-3 du code de la construction et de l’habitation). Si le juge ne spécifie pas qu’il y a voie de fait, la trêve d’hiver vous est légalement accordée, implicitement, même s’il arrive aussi que la trêve d’hiver soit mentionnée dans le jugement. De plus et quoi qu’en décide le juge, dans beaucoup de villes la préfecture n’expulse de toute façon pas en hiver. Vous pouvez faire des pressions sur elle en ce sens (rassemblements, fax, appels à soutien, ...).
Axe politique :
Vous pouvez argumenter sur l’utilité publique de votre lieu, voire du squat en général (aspects sociaux et culturels, dynamique de quartier et tout le tsoin-tsoin).
Vous pouvez affirmer une démarche politique (réfugié-e-s politiques, lutte contre la propriété privée, refus du système actuel dans son ensemble) et argumenter autour de la question du logement, des politiques répressives de la mairie ou de la préfecture vis-à-vis des pauvres... Le juge devrait officiellement moins prendre en compte ces critères “politiques” pour accorder des délais, mais il peut y être favorablement sensible... ou détester. Vu que la justice ne tombe pas du ciel, il est d’ailleurs toujours utile de se renseigner sur la sensibilité du juge auxquel vous aurez à faire.
Les délais
En résumé, les délais (voir diagramme de procédure avec les articles de loi complets en annexe) :
L’article 62 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 : il prévoit un délai de procédure obligatoire de deux mois qui est censé vous laisser le temps de trouver une solution de relogement. Il peut être allongé de trois mois si le juge considère que l’expulsion aurait “des conséquences d’une exceptionnelle dureté”. Il peut être supprimé sur la base de la voie de fait.
Les articles L613-1 et L613-2 : ils précisent que des délais d’entre 3 mois et 3 ans peuvent être accordés à des occupants sans droit ni titre, si le relogement de ceux-ci ne peut être assuré dans des conditions normales.
L’article L613-3 : il précise que les occupants sans droit ni titre ont droit à la trêve d’hiver.
Les amendes
Il arrive que les proprios demandent des amendes : ce peut être des pseudo-loyers ou des indemnités d’occupation pour manque à gagner, des amendes journalières si vous ne partez pas après la date d’expulsion pour essayer de vous faire partir le plus vite possible sans avoir à repayer un huissier et à faire venir la police (la loi les considère comme des ”indemnités d’occupation de droit commun”). Vous pouvez essayer de les faire annuler au tribunal. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas une raison pour s’affoler, ni pour partir avant l’arrivée des flics. C’est à vous de juger en dernier ressort, mais ces amendes ont plus pour objectif de vous mettre la pression et il est rare qu’elles soient recouvertes ou puissent l’être si vous n’êtes pas solvables.
Les arrêtés de péril (c’est rare mais ca arrive)
Quand un bâtiment peut être considéré comme étant en ruine ou menaçant de s’effondrer, le maire peut faire procéder à des visites et demander des travaux au propriétaire. Si le proprio remet en cause le péril, il peut commanditer une contre-expertise. Le tribunal administratif décide ensuite s’il y a péril ou pas et dans quels délais les travaux devront être effectués. Si le tribunal administratif a constaté l’insécurité de l’immeuble, le maire peut aussi demander son évacuation.
Si le maire juge qu’il y a péril imminent, il demande au tribunal d’instance de dépêcher un expert pour venir vérifier. Si l’expert constate l’urgence ou le péril grave et imminent, le maire peut ordonner les mesures provisoires pour la sécurité, notamment l’évacuation de l’immeuble.
Soit il a déjà eu un arrêté de péril ordonnant l’évacuation du bâtiment quand vous y entrez et alors c’est chiant. Soit ça vous tombe dessus en cours d’occupation, mais cela reste relativement rare. Un arrêté de péril peut aboutir à une expulsion mais aussi rester de l’ordre de la menace.
Le passage d’experts
Laisser entrer des experts, géomètres et ouvriers venus faire des travaux ou relevés “officiels” dans l’immeuble est plutôt déconseillé. Cependant, leur refuser à tout prix l’accès peut aussi amener les proprios ou la préfecture à accélérer la procédure ou l’expulsion. Il n’y a pas de règles en la matière et tout dépend du contexte et de vos choix stratégiques. Si des experts passent pour un arrêté de péril, faites de votre mieux pour que la maison ait l’air de tenir debout ou qu’il ne voit pas les parties qui se cassent la gueule.
LES SUITES DU JUGEMENT... PUIS L’EXPULSABILITE
AVANT L’EXPULSION
Le jugement en référé (la plus courante des procédures contre les squatteur-euse-s) est rendu entre quelques jours et une ou deux semaines, voire plus, après l’audience, et devra vous être signifié par l’huissier.
Suite au jugement, l’huissier vient vous apporter le commandement de quitter les lieux. Si vous avez obtenu des délais, ceux-ci commencent à partir de la remise du commandement de quitter les lieux et non de la date du rendu du jugement. Le seul papier qui vaut est un “commandement de quitter les lieux”, la “sommation de quitter les lieux” est ce qu’ils peuvent venir vous apporter avant le procès.
Deux cas se présentent alors :
Avant d’être “expulsables”, vous bénéficiez d’un délai de deux mois à compter de la date du résultat (article 62 de la loi 91-650 du code de procédure civile). Si l’huissier “oublie” ces deux mois de délai alors que la décision de jugement ne notifie pas explicitement l’annulation de ces deux mois, faites faire à votre avocat-e un recours juridique pour “faire appliquer la loi”... Votre avocat-e peut demander l’annulation du commandement de quitter les lieux.
Si le jugement vous précise que vous ne bénéficiez pas de ces deux mois, vous êtes donc expulsables à compter de l’expiration de la date fixée par le juge (à valider toutefois par le fameux “commandement de quitter les lieux”).
Au terme du délai initial, l’huissier peut se présenter chez vous pour récupérer les lieux sauf cas de résistance de votre part. Auquel cas le proprio devra faire une requête auprès du commissaire et du préfet (de police) pour réaliser l’expulsion. _ Le proprio ne pourra faire appel aux flics qu’une fois que seront passés les délais obtenus. Vous ne risquez rien à refuser de partir lors du passage de l’huissier.
Le premier jugement d’expulsion est “exécutoire” et faire appel ou demander des délais n’est pas “suspensif” (cela signifie que durant cette procédure vous pouvez tout à fait être expulsé-e-s). Ceci dit, il reste possible de saisir le JEX (juge d’exécution des peines) pour lui demander des délais supplémentaires. Pour saisir le JEX, il faut trouver de nouveaux éléments à apporter au dossier, souvent sur une base de précarité. Le JEX ne peut qu’apporter plus de délais. Vous pouvez aussi faire appel au tribunal d’instance. Pour les appels au JEX ou au tribunal d’instance, c’est normalement gratuit avec l’aide juridictionnelle, mais quelquefois il faut payer des avoués. Votre avocat-e peut demander à ce que ces appels soient fait à jour fixe.
C’est au préfet de décider du recours à la force publique pour procéder à l’expulsion, pour cela il demande au commissaire du quartier de faire une enquête sur les conséquences de celle-ci.
Parfois il n’y a pas d’enquête, sinon les flics viennent directement vous voir ou alors vous êtes convoqué-e-s au commissariat. Ils vont vous poser des questions de base sur votre situation. Vous ne risquez a priori rien à ne pas vous rendre au commissariat pour l’enquête sociale, ainsi qu’à ne pas répondre aux flics. Cela ne vous apportera de toute façon pas grand-chose de leur répondre, à part de possibles embrouilles.
Lorsque vous sentez que l’expulsion se prépare, vous pouvez appeler la préfecture pour demander si le concours de la force publique a été accordé. Ils ne sont pas obligés de répondre et des fois quand ils répondent, ils mentent. Il arrive que la préfecture mette longtemps à expulser après son accord au concours de la force publique. Notamment si ils craignent un résistance ou des troubles. Ils affectionnent d’expulser au beau milieu du mois d’août quand il n’y a personne ou de laisser pourrir les situations en espérant que les squatteur-euse-s se lassent d’attendre ou de vivre barricadé-e-s. A vous de vous organiser en conséquence... et de décevoir leurs espoirs.
EXPULSION ET RESISTANCE
Les flics ont le droit d’expulser entre 6h et 21h, sauf le dimanche.
On peut faire divers choix :
Se casser avant.
Attendre que les flics défoncent la porte pour partir.
Résister de diverses manières et se faire sortir en force.
On peut même tenter d’être assez fort-e-s, ingénieux-euses et soutenu-e-s pour empêcher l’expulsion. Cela arrive parfois, même à ce stade...
Le fait de résister à son expulsion, d’être barricadé et de ne pas partir volontairement n’est pas un délit en soi. Après, vous risquez néanmoins suivant la manière dont l’expulsion se passe d’être inculpé-e-s pour les délits habituels d’outrage, violence, ... Mais cela reste assez rare. Au terme de l’expulsion, vous risquez au moins un contrôle d’identité dans la rue ou au poste.
Faites courir votre imagination pour le barricadage. Vous connaissez la maison, les flics non. Il faut savoir que même avec un barricadage solide, les flics ont de bons outils et c’est très rare que les seuls barricadages empêchent l’expulsion. En général, de bons barricadages peuvent retarder les flics de quelques minutes à quelques heures.
En plus du barricadage, ce qui peut retarder l’expulsion, c’est le fait que les squatteur-euse-s soient inaccessibles (le toit est un très bon refuge).
Une autre tactique complémentaire de résistance est d’avoir une chaîne téléphonique d’urgence et plein d’ami-e-s qui arrivent sur place, bloquent les rues, foutent le dawa. Pour empêcher cela, les flics font quelquefois en sorte de boucler le périmètre, alors il faut être rapide et/ou imaginatif...
Parfois, il est difficile de récupérer ses affaires lors d’une expulsion. Il est très possible que vos meubles et autres affaires soient jetés ou murés. Pourtant, légalement, le proprio a l’obligation de garder les affaires du squat à disposition, l’huissier devant en faire un inventaire, puis elles sont supposées être placées en garde-meuble gratuitement (aux frais du proprio).
Les expulsions peuvent être des situations rudes, tristes et révoltantes mais aussi excitantes, intenses et révélatrices d’une force collective face à la police et aux institutions... Elles peuvent réveiller la solidarité du voisinage, marquer à la vue de tou-te-s que certaines personnes osent résister à la répression, faire passer un message fort, contrebalancer la frustration de vous faire virer et faire comprendre aux autorités qu’il n’est pas simple d’expulser des squats. De même qu’un scène squat visible, active et dynamique, le fait de résister aux expulsions et les troubles que cela créé forment un point crucial du rapport de force que l’on peut souhaiter mettre en place face aux autorités pour que les squats restent et se multiplient.
ANNEXE 1 : Articles de loi sur les divers délais
- L’ARTICLE DE LOI RELATIF À LA TRÊVE D’HIVER
Article L.613-3 du Code de la construction et de l’habitation : Art. L.613-3. Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du (L. n° 90-449 du 31 mai 1990, art. 21) "1er novembre" de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. (L. n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 64) "Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque ceux-ci sont situés dans un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril".
- UN ARTICLE DE LOI QU’IL PEUT ÊTRE UTILE D’AVOIR SOUS LA MAIN LE JOUR OÙ L’HUISSIER VIENT VOUS REMETTRE LE COMMANDEMENT DE QUITTER LES LIEUX
Article 62 de la Loi 91-650 du 9 juillet 1991 du Code de procédure civile :
"Si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L.613-1 à L.613-5 du Code de la construction et de l’habitation, qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement. Toutefois, par décision spéciale et motivée, le Juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait, réduire ou supprimer ce délai.
Lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l’année considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai peut être prorogé par le Juge pour une durée n’excédant pas trois mois.
Dès le commandement d’avoir à libérer les locaux, l’Huissier de Justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion doit en informer le représentant de l’Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées prévu par la Loi n° 90-449 du 31 mai 1990, visant à la mise en œuvre du droit au logement."
ANNEXE 2 : Texte affichable a l’extérieur du squat
EXEMPLE DE PANNEAU QU’IL PEUT ÊTRE UTILE D’AFFICHER SUR LA PORTE D’Entrée DE FAÇON À CE QUE LES FLICS NE SE PERMETTENT PAS COMPLETEMENT N’IMPORTE QUOI QUAND ILS PASSENT (NOTAMMENT LA PREMIERE FOIS) :
Ce lieu est notre domicile ainsi que notre résidence principale. En tant que résident-e-s de l’immeuble, nous sommes protégé-e-s par la loi.
Agir hors du cadre procédural, c’est heurter un des grands principes du droit français, l’inviolabilité du domicile.
Selon l’article 432-8 du Code pénal, "le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de mission auprès du service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende."
Les Résident-e-s.
ANNEXE 3 : Texte affichable a l’intérieur du squat
EXEMPLE DE TEXTE QU’IL PEUT ÊTRE UTILE D’AFFICHER CHEZ SOI EN PREVISION DE CERTAINES SITUATIONS :
IL NE PEUT Y AVOIR D’EXPULSION SANS DECISION EXECUTOIRE DU TRIBUNAL D’INSTANCE (T.I.)
Donc si les flics tentent quoi que ce soit sans décision du T.I., leur expliquer que des gens vivent ici, que c’est leur domicile et leur résidence principale, qu’en tant que résident-e-s nous sommes protégé-e-s par la loi, leur signaler qu’ils agissent hors du cadre procédural et que selon l’article 432-8 du code de pénal "le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de mission auprès du service public, agissant dans l’exercice ou à l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende."
S’ils essaient d’affirmer que nous sommes dans les lieux depuis moins de 48 heures, nous sommes là officiellement depuis plus de 48 heures [indiquer une date précise, que ce soit la même pour tous] : des lettres (le cachet de la poste faisant foi) peuvent l’appuyer.
Vous pouvez les bluffer de diverses manières, par exemple : que l’on a contacté un-e avocat-e, qu’on est soutenu par un réseau associatif et qu’on a entrepris de contacter le propriétaire pour l’informer de notre démarche. Invoquer, si nécessaire, la trêve d’hiver qui commence le 1er novembre au plus tard (elle peut commencer plus tôt).
SURTOUT NE PAS LES LAISSER RENTRER !
Bien sûr, il s’agit lors de toute discussion avec la police de ne pas s’énerver, de rester calme sans flipper ni se laisser impressionner.
Préciser qu’il n’y a pas eu effraction, la porte était ouverte, etc.
La constatation d’occupation, ainsi que la remise de l’acte d’expulsion en main propre, DOIVENT ÊTRE EFFECTUEES PAR UN HUISSIER, pas par un de ses employés. Si l’huissier vient et que vous avez choisi de vous défendre au tribunal, il faut absolument lui donner les noms mis sur boîte au lettre afin qu’il ne puisse pas déclencher une procédure d’urgence qui pourrait amener une ordonnance sur requête avec expulsion rapide.
L’expulsion ne peut avoir lieu un dimanche ou un jour férié et ne peut intervenir qu’entre 6 heures et 21 heures.
ANNEXE 4 : EDF et la loi
Article 23 du cahier des charges d’EDF :
OBLIGATION DE CONSENTIR LES ABONNEMENTS
Sur le territoire de la concession, le concessionnaire est tenu de consentir des abonnements, en vue de la fourniture d’énergie électrique aux conditions du présent cahier des charges, à toute personne qui demandera à contracter ou à renouveler un abonnement dont la durée et les caractéristiques seront précisées conformément aux dispositions de l’article 24, sauf s’il a reçu entre temps injonction contraire de l’autorité compétente en matière de police ou d’urbanisme et sous réserve du respect des textes règlementaires relatifs au contrôle de conformité des installations intérieures.
En cas de non paiement par l’abonné de la participation prévue à l’article 16, le concessionnaire peut, de sa propre initiative ou à la demande de la collectivité concédante lorsqu’une participation lui est due, refuser la mise sous tension de l’installation de l’intéressé ou, si celle-ci a déjà été effectuée par suite de la mauvaise foi de l’abonné, interrompre, après mise en demeure, la livraison.
Le concessionnaire ne sera pas tenu d’accorder un contrat, pour un point de livraison donné, tant que le précédent n’aura pas été résilié. Le concessionnaire est par ailleurs tenu, sous réserve des possibilités du réseau, de fournir l’énergie électrique pour la desserte des installations provisoires, sauf s’il a reçu entre temps injonction de l’autorité compétente en matière de police.
La fourniture devra être assurée par le concessionnaire dans un délai maximum d’un mois à partir de la demande d’abonnement ou de modification d’abonnement, augmenté, s’il y a lieu, du délai nécessaire à l’exécution des travaux nécessités par l’alimentation de l’installation du demandeur et dont celui-ci doit être informé.
Par ailleurs :
L’article L.122-1 du Code de la consommation et l’article 1123 du Code civil disent en gros qu’on n’a pas le droit de refuser la vente d’un produit qu’on propose. Cela peut toujours aider... ANNEXE 5 : Rappel à la loi (si vous craignez une requête d’ordonnance d’expulsion)
Copie adressée à Maître machin, avocat.
Objet : rappel à la loi
Monsieur,
nous vous informons que des personnes occupent depuis le ../../.. , un immeuble situé ... et dont vous êtes propriétaire. Ce lieu est dorénavant leur domicile et leur résidence principale (selon l’article 102 du Code civil, « le domicile de tout français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement »). Agir hors du cadre procédural, c’est heurter un des grand principes du droit français : l’inviolabilité du domicile. Selon l’article 432-8 du Code pénal, « le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de mission auprès du service public, agissant dans l’exercice de ses fonctions on de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». Ces personnes se sont clairement nommées et identifiées aux policiers qui sont venus les contrôler en tant que résidents de l’immeuble (cf. procès verbal). De plus, leur nom est affiché sur la porte de l’immeuble. Dès lors, toute mesure d’expulsion doit être l’objet, non d’une requête d’ordonnance d’expulsion, mais d’une procédure contradictoire au Tribunal d’Instance, où il doit être laissé la possibilité aux occupants de l’immeuble de se défendre par le biais d’un avocat et de faire valoir leur droit à des délais. Selon la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, « si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L.613-1 à L.613-5 du Code de la construction et de l’habitation, qu’à l’expiration du délai de deux mois qui suit le commandement ».
Veuillez agréer, monsieur, blah blah...
ANNEXE 6 : Les tentatives de durcissement juridique et le dit “amendement anti-squat” de 2007
Depuis 2001, des projets de criminalisation de l’occupation sans droit ni titre sont apparus à diverses reprises et ont généralement été retirés ou vidés de leur substance suite aux controverses et protestations, notamment d’associations pour le droit au logement. Les lois sur la “sécurité intérieure” votées en 2001 prévoyaient de transformer l’occupation de bâtiments vides en délit. Finalement seul le délit d’occupation de terrain nu, visant les nomades, a été retenu. En 2005, quelques infâmes député-e-s ont essayé de faire passer le flagrant délit de 48h à 72h pour les squats, prétextant que sinon il fallait surveiller les bâtiments en permanence pour pouvoir tenter de faire expulser les squatteur-euse-s sans procès et que 48h c’était trop court. Cet amendement n’est pas passé non plus.
En 2007, des sénateur-e-s cette fois ont tenté de faire croire qu’il était de plus en plus courant que de bons citoyens français rentrant de vacances trouvaient des squatteur-euse-s à la maison et se voient dans l’impossibilité de les faire partir et dans l’obligation de dormir dehors en attendant que de trop longues procédures d’expulsion arrivent à terme. Il s’agit évidemment d’un phénomène inventé de toutes pièces, d’une part parce que ce cas de figure n’arrive quasiment jamais, d’autre part parce que quand il survient, les squatteur-euse-s en question se font virer manu militari. Le fait de s’installer dans le domicile d’autrui est en effet déjà un délit passible d’emprisonnement et d’amendes. Au final, le texte adopté donne un cadre pour des procédures rapides d’expulsion avec mise en demeure par le préfet dans le cas spécifique de maintien dans le domicile d’autrui.
Néanmoins si on reste ferme, lorsque le bâtiment occupé n’est le domicile principal de personne d’autre que les squatteur-euse-s et que le propriétaire ne peut prouver le contraire, il n’y a théoriquement pas de raisons que cette loi change quoi que ce soit à la réalité des occupations sans droit ni titre.
L’article de loi est recopié ci-après à titre indicatif, au cas où l’on chercherait à le faire valoir fallacieusement contre vous. Ce court historique des tentatives d’avancées juridiques anti-squat de ces dernières années vise aussi à rappeler que la situation n’est pas stable et qu’il est dans l’intérêt de tou-te-s les squatteur-euse-s de rester vigilant-e-s et de réagir publiquement en créant un rapport de force avec le gouvernement dès que de nouvelles tentatives de criminalisation de l’occupation sans droit ni titre apparaissent.
Sur l’introduction et le maintien dans le domicile d’autrui Article 38 de la Loi n°2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.
Collectif
P.S.
Ce petit guide du squat est concocté selon le contexte et les lois que l’on trouve en France... De nombreuses précisions seraient à ajouter pour répondre à toutes les situations. Le squat de A à Z étant régulièrement réédité, demandez-nous la dernière version ! Faites aussi un tour sur squat !net.
Contacts, critiques, idées, infos ou propositions de modifications à envoyer à a-z at squat.net
Bonus 1
Chronologie synthétique sur les expulsions d’occupant-e-s sans droit ni titre
- A. Occupation : Pas d’expulsion sans décision de justice ou procès verbal (P.V.) de conciliation exécutoire + un commandement d’avoir à libérer les lieux (art. 61 Loi du 9 juillet 1991) - protection du domicile (NB : article 102 du code civil - inviolabilité et protection pénale cf. art. 228-4 - respect de la vie privée - cf. art. 9 du code civil).
- B. PV d’huissier : Constat d’occupation, sommation de libérer les lieux.
- C. Occupants non identifiés : Requête d’ordonnance d’expulsion (procédure très rapide, pas d’audience, pas de défense possible, pas de demande de délais).
- C Bis. Occupants identifiés : Assignation en référé au tribunal d’instance (T.I.) - remise d’une assignation et convocation au T.I. dans des délais assez brefs, d’une semaine par exemple.
- D. Audience : Défense possible gratuite par le biais d’un avocat grâce à l’aide juridictionelle - Délais : a) art. 62 Loi du 9 juillet 1991 : 0 à 2 mois, éventuellement prolongation du délai à 3 mois maximum pour « conséquence d’une exceptionnelle dureté » - b) art. 613.1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH) : 3 mois minimum à 3 ans maximum - c) trêve d’hiver : art. 613.3 du CCH entre le 1er novembre et le 15 mars.
- E. Rendu du jugement : Signification entre quelques jours et quelques semaines après le passage au tribunal. Le juge accorde des délais ou non.
- F. Saisie possible du Juge de l’Exécution (JEX) : Même dans le cas d’une ordonnance sur requête (cette saisie du JEX peut se faire aussi après réception du commandement de quitter les lieux et jusqu’à l’expulsion).
- G. Commandement de quitter les lieux : Commandement délivré par l’huissier et déposé en mairie, et pour les squatteur-euse-s, remis éventuellement au parquet, il annonce la date de libération des lieux, l’huissier doit obligatoirement en informer le préfet.
- H. P.V. de réquisition de la force publique : A partir de l’échéance fixée par le commandement de quitter les lieux, l’huissier peut demander la réquisition de la force publique.
- I. Convocation police / préfecture : Pour enquête sociale.
- J. Accord de la force publique - P.V. d’expulsion.
- K. Expulsion avec concours de la Force Publique.
Bonus 2
Lexique légal commenté
1) Définition du domicile et inviolabilité / Rappel à la loi avec article 102 du code civil
« Le domicile de tout français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement ». Code civil. Titre III : Du domicile, Article 102 (loi du 12 novembre 1938 - Ordonnance n°58-923 du 7 octobre 1958 art.1 Journal officiel du 9 octobre 1958 - Loi n°69-3 du 3 janvier 1969 art.13 Journal officiel du 5 janvier 1969 en vigueur le 1er janvier 1970)
2) Introduction ou maintien dans le domicile d’autrui / article 226-4 du code pénal
« L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » Code pénal. section 1 : De l’atteinte à la vie privée. Article 226.4
3) Inviolabilité du domicile par les représentant-e-s de la loi / article 432-8 du code pénal
« Le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée de mission auprès du service public, agissant dans l’exercice de ses fonctions on de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». Article 432-8 du code pénal
4) Du respect de la vie privée / Code civil - Article 9 (Loi n°70-643 du 17 juillet 1970 art. 22 Journal officiel du 19 juillet 1970)
« Chacun a droit au respect de sa vie privée. les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommages subi, prescrire toute mesure, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé »
5) La violation de domicile et son inapplicabilité lorsque le local est vide de toute occupation (Crim. 28 janv. 1958, Bull. crim. N°94)
La violation de domicile s’entend de l’introduction dans la demeure d’un tiers (Crim. 15 fev. 1995, Bull. crim n°106), qu’elle soit permanente ou temporaire (Crim. 28 janv. 1958, Bull. crim. N°94).
Mais si le local est vide de toute occupation, la qualification de violation de domicile ne peut pas être retenue (Versailles 31 jan. 1995, GP 10-12 mars 1996). Seuls les logements loués en meublés vacants pour cause de travaux peuvent être considérés comme domiciles, alors qu’ils ne sont pas occupés. La plupart des locaux squattés étant vacants depuis longtemps lors de l’entrée des squatteur-euse-s dans les lieux, la violation de domicile est très rarement constituée. Souvent invoquée à charge des occupant-e-s, la notion de violation de domicile peut également les protéger d’une intervention du propriétaire. Celui-ci commet une violation de domicile s’il « pénètre par force et sans suivre les formes prescrites par l’exécution des décisions de justice dans un logement occupé » (Tribunal Correctionnel de la Seine, 16 mars 1949), même lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, voire dont l’expulsion a été ordonnée par le tribunal. Le propriétaire ne peut en aucun cas agir seul. Même l’exécution de travaux dans un logement squatté, fussent-ils d’urgence, doit respecter les conditions d’exécution prévues par la Loi. A défaut, ils constituent une voie de fait, au détriment de l’occupant-e.
La pratique fréquente du murage des lieux par les propriétaires ou leurs mandataires, sans jugement préalable, constitue donc un préjudice sérieux, même s’ils ne sont pratiquement jamais poursuivis.
Au contraire, la violation de domicile justifie souvent l’intervention de l’autorité administrative en matière de flagrance, pour l’éviction rapide des occupant-e-s sans droit ni titre. Même lorsqu’il est clair que la violation de domicile ne peut pas être établie.
6) La voie de fait (R.38-5° du Code Pénal) et le flagrant délit (articles 53 et suivant du code de procédure pénale)
La voie de fait en matière de squat est le fait d’entrer par la force dans un lieu se traduisant par une occupation temporaire ou définitive d’un local privé. Cet usage de la force se traduit par une dégradation des systèmes de clôture (portes, fenêtres, cadenas,...). Ce bris de clôture est le fait de « causer volontairement du dommage à un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui ». C’est une contravention pénale (R.38- 5° du Code Pénal). C’est cette voie de fait qui est censée caractériser le squatteur. La juriste N. Sempé distingue ainsi « l’occupant entré régulièrement » de « l’occupant entré par voie de fait ». Or, dans la plupart des situations, les occupant-e-s ne sont pas poursuivi-e-s pénalement. Il n’est en effet pas toujours facile de démontrer que les occupant-e-s actuel-le-s d’un lieu sont les auteur-e-s d’une dégradation. En cas de violation de domicile, le propriétaire peut mettre en œuvre la procédure de flagrant délit prévue par les articles 53 et suivants du code de procédure pénale. L’autorité administrative peut alors procéder à l’expulsion du squatteur sans titre exécutoire, sur réquisition du propriétaire des locaux investis, dans un délai de 48 heures. Concrètement, si le propriétaire constate très rapidement l’occupation de son local, qui constitue un domicile, il alerte la police, qui intervient en tant que police administrative.
La jurisprudence constante a retenu que cette incrimination n’avait pas pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières, mais uniquement les domiciles (Crim. 15 fev. 1955, Bull.VI n°106).
Ce bémol en matière pénale trouve parfois un alibi en matière civile, qui précise qu’en cas de voie de fait, une procédure urgente peut être diligentée contre le coupable pour faire cesser le trouble (cf. art.1264 du Code de Procédure Civile).
En 2006, des députés ont déposé un projet de loi pour demander à ce que le flagrant délit passe de 48h à 72h pour les squatteur-euse-s. Cependant, ce projet de loi a été rejeté et pour l’heure il ne peut y avoir de flagrant délit et d’expulsion sans jugement au delà de 48h d’occupation. De plus, la police ne peut théoriquement intervenir rapidement, s’il n’y a ni violation de domicile, ni voie de fait. Mais le procureur peut théoriquement poursuivre les personnes en dehors de toute plainte du propriétaire dans le cadre d’un flagrant délit pénal (en l’occurrence une voie de fait). Les officiers de police judiciaire constatent les infractions et sont tenus d’informer sans délai le procureur des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance : art.19 du CPP. Ils sont sous la direction du procureur de la république et sous la surveillance du procureur général. Dans le cadre de l’enquête préliminaire, les officiers de police judiciaire (OPJ) peuvent procéder à un contrôle d’identité sur un terrain de leur propre chef et embarquer, par exemple, les irréguliers. Le procureur décide ensuite si il y a lieu de poursuivre pénalement et éventuellement d’expulser sans passage au T.I.
7) Cadre juridique concernant les expulsions / art. 61 de la Loi du 9 juillet 1991
« Sauf disposition spéciale, l’expulsion ou l’évacuation d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux. S’il s’agit de personnes non dénommées, l’acte est remis au parquet à toutes fins ».
8) Délai de procédure de deux mois / art. 62 de la Loi du 9 juillet 1991
A priori, un commandement de quitter les lieux, lorsqu’il est signifié, doit accorder deux mois à l’occupant-e pour quitter les lieux. « Si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L.613-1 à L.613-5 du code la construction et de l’habitation, qu’à l’expiration du délai de deux mois », y compris lorsque la voie de fait n’est pas établie. Là encore, la pratique va au delà des intentions du législateur. A l’inverse, le juge a également la possibilité d’accorder un délai supplémentaire n’excédant pas trois mois si l’expulsion menace l’occupant-e de conséquences d’une exceptionnelle dureté. « Lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l’année considérée ou des conditions atmosphériques, le délai peut être prorogé pour une période n’excédant pas trois mois » (également art.62 de la Loi du 9 juillet 1991).
9) Délais prévus par les articles L.613-1, L.613-2 et L.613-3 (trêve d’hiver) du CCH plus jurisprudence sur leur applicabilité vis-à-vis des squatteur-euse-s
Article L.613-1 du code de la construction et de l’habitation : « Le juge de l’exécution (...) peut (...) accorder des délais renouvelables excédant deux années aux occupants de locaux d’habitation dont l’expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que les dits occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. » Article L.613-2 du code de la construction et de l’habitation : « La durée des délais (...) ne peut en aucun cas être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par fait de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. » Article L.613-3 du code de la construction et de l’habitation : « Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles précédents, il doit être soumis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque ceux-ci sont situés dans un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril. » Ces articles s’appliquent-ils aux occupant-e-s sans droit ni titre ? La Cour d’appel de Montpellier, dans son arrêt du 15 mars 1995 (D. 15 mars 1995, Rev. huissiers 1995, 587, obs. J.-J. Bourdillat), a retenu la recevabilité d’une demande de délais faite par des squatteur-euse-s, au fondement des articles L.613-1 et L.613-2 du code de la construction et de l’habitation, et a considéré qu’il y avait bien dans cette espèce « des occupants de locaux d’habitation » qui avaient vocation à bénéficier des dispositions protectrices contenues dans ces deux articles. Cette position a ensuite été confirmée par la huitième chambre civile de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 8ème ch B, 2 mars 2000, D.2000, IR, p. 103) : « les dispositions des articles L.613-1 et L.613-2 du Code de la construction et de l’habitation, sur le sursis à l’exécution de décision de justice, ne contiennent aucune exclusive à l’égard des personnes qui se sont introduites illégalement dans un local d’habitation ; ce mode d’occupation fait partie des circonstances dont le juge doit tenir compte pour accorder des délais d’expulsion. »
10) Compensation des frais de procédure / Article 700 du NCPC
« Comme il est dit au I de l’article 75 de la loi nº 91-647 du 10 juillet 1991, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » (Décret nº76-714 du 29 juillet 1976 art. 5 Journal officiel du 30 juillet 1976) (Décret nº91-1266 du 19 décembre 1991 art. 163 Journal officiel du 20 décembre 1991 en vigueur le 1er janvier 1992) Cette somme n’est généralement pas assignée aux squatteur-euse-s et à ne pas payer si vous n’êtes pas solvables.
11) Changement de compétence du T.G.I. au T.I. / art. 2 de la Loi n°2005-47 du 26 janvier 2005
Sur le changement de compétence (du Tribunal de Grande Instance au Tribunal d’Instance), c’est l’article 2 de la loi n°2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d’instance qui modifie la précédente loi (dans le code de l’organisation judiciaire). « Art. L. 321-2-2 - Le tribunal d’instance connaît à charge d’appel des actions aux fins d’expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d’habitation. »
12) Articles de loi relatifs au droit au logement
Le fait d’expulser des personnes dont on sait qu’elles ne trouveront pas d’autres solutions d’habitat pourrait être compris comme une « soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine » et à ce titre, tomber sous le coup de l’article 225-14 du code pénal. Dans un premier temps, la loi du 8 juillet 1989 a affirmé l’existence de ce droit pour les locaux à usage d’habitation, ou à usage mixte d’habitation et professionnel (Loi n° 89-462 du 8 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 déc. 1986, "La loi du 6 juillet 1989 et le droit au logement", AJPI 1989, p. 609 et s). Ensuite, le législateur a décidé que la garantie de ce droit constituait un véritable devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation (Loi n° 90-449 du 31 mai 1990, visant à la mise en œuvre du droit au logement, Journal officiel juin 1990, p. 8551 et s., art. 1er : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation »). Enfin, le Conseil constitutionnel a reconnu que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle » (Conseil constitutionnel, 19 janvier 1995, décision n° 94-359 DC : loi relative à la diversité de l’habitat, AJDA juin 1995, note B. Joron). L’article 55 de la Constitution Française dispose que les traités régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des Lois. Or la France a signé plusieurs traités internationaux reconnaissant la valeur du droit au logement, en tant que droit social fondamental, ou partie d’un droit fondamental. Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris s’est ainsi basé sur l’existence d’un droit au logement inscrit dans plusieurs traités internationaux, en particulier le Pacte des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, en son article 11"2, pour accorder des délais aux squatteur-euse-s. Même si l’enjeu était modeste (quelques mois de délai), l’invocation de ces traités comme moyen de prise en compte des besoins des occupant-e-s est intéressante. L’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme précise que « nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». L’expulsion sans proposition de relogement pourrait être envisagée comme une peine ou un traitement inhumain ou dégradant, en fonction de l’évolution des mœurs de la société. L’article 8 de la Convention prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Là encore, l’expulsion sans proposition de relogement menace évidemment le domicile, la vie privée et familiale.
L’état de nécessite :
L’état de nécessité est une vieille notion de droit pénal, qui a été prise en compte par une décision de la Cour d’Appel de Paris (17 sept. 1993) et plus récemment, par une décision du tribunal correctionnel de Paris (28 nov. 2000), qui a relaxé un homme ayant avoué avoir cassé une porte pour intégrer le logement d’un office HLM, estimant qu’il avait agi en état de nécessité. Trois conditions sont nécessaires pour faire application de l’état de nécessité :
l’existence d’un danger actuel ou imminent menaçant une personne ou un bien,
la nécessité pour conserver cette personne ou ce bien de commettre une infraction,
la proportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.
L’abandon de propriété :
Certains immeubles vacants depuis de longues années peuvent être considérés par les occupant-e-s comme laissés à l’abandon par leurs propriétaires. Dans les faits, les conditions pour qu’un tel état de fait soit prouvé devant un tribunal (abandon depuis plus de 20 ans) font que c’est à peu près impossible.
Je tenais a préciser que si le projet de loi LOOPSI 2 est valider par nos bureaucrate liberaliste. Se topic ne sera plus valable.
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