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samedi

Mass média coupables de tromperie

Le tribunal international pour l’Irak déclare les mass media traditionnels coupables de tromperie

La déclaration d’un jury de conscience quant à l’illégitimité de la guerre en Irak

Le 14 février 2005 à Rome, un tribunal populaire a décidé qu’une grande partie des mass média occidentaux est coupable d’incitation à la violence et d’avoir trompé le public par la façon dont elle a rendu compte de la guerre en Irak.

L’occupation de l’Irak, seulement justifiée par la lutte des USA pour la suprématie mondiale

Le Tribunal Mondial pour l’Irak (World Tribunal on Irak) est une Cour populaire constituée pour établir la vérité sur l’occupation de l’Irak. Elle est formée d’intellectuels, de défenseurs des droits de l’homme et d’organisations non-gouvernementales du monde entier, selon le modèle du Tribunal Rusell. Ce dernier a été constitué en novembre 1966 contre la guerre du Vietnam, à l’initiative du philosophe britannique Bertrand Russell et du philosophe français Jean Paul Sartre.

Depuis 2003, le Tribunal Mondial pour l’Irak a réalisé de nombreuses actions, parmi lesquelles des débats publics, des auditions de témoins et des investigations concernant divers aspects de la guerre en Irak, comme : la légalité de celle ci, la violation des lois internationales, les résolutions de l’ONU et des droits de l’homme réalisés par les pays qui ont initié la guerre, surtout les USA et la Grande Bretagne, l’utilisation de l’uranium par les armées d’occupation, la manipulation de l’opinion publique internationale par les mass média, les conséquences sociales, économiques et culturelles de l’occupation de l’Irak. Un chapitre important est dédié au rôle que Le Projet pour le nouveau siècle américain (Project for the New American Century) a joué dans le déclenchement de la guerre, mais aussi la place occupée par l’invasion de l’Irak dans ce plan de domination militaire de la planète.

La séance finale a eu lieu le 20 mars 2005 à Istanbul, et les conclusions des deux ans d’auditions ont été synthétisées dans un rapport nommé La déclaration d’un jury de conscience (Déclaration of the Jury of Conscience). La conclusion finale est claire: l’invasion et l’occupation de l’Irak ont été et sont toujours illégales. Les justifications offertes par les gouvernements des USA et de la Grande Bretagne pour l’occupation de l’Irak en mars 2003 se sont trouvées être fausses. Il existe de nombreuses preuves qui soutiennent que la raison principale a été le contrôle et la suprématie sur le Moyen Orient et ses vastes réserves de pétrole, et comme faisant partie du processus mis en place par les USA pour obtenir le pouvoir global sur monde.

Les mass media traditionnels en sont complices

En février 2005 à Rome ont eu lieu trois jours d’audition sur la manière dont les mass média ont reflété la guerre en Irak. Des journalistes indépendants, des professeurs de journalisme, des militants des droits de l’homme et un député du Parlement Européen, Michele Santoro, ont déposé des témoignages à ce sujet.

Le jury formé de juges du Tribunal Mondial pour l’Irak a accusé les gouvernements britannique et américain d’avoir empêcher les journalistes de faire leur travail, en leur offrant de fausses informations. Le Tribunal a aussi accusé les grands médias traditionnels d’avoir censuré les nouvelles, d’avoir marginalisé et mis en danger la vie des journalistes indépendants. Le Tribunal a aussi montré que les reportages réalisés par les médias traditionnels sur l’Irak s’encadrent parfaitement dans les dispositions de l’article 6 du tribunal de Nuremberg (celui qui a jugé les crimes des nazis) : aussi bien les chefs et les organisateurs, que les instigateurs et les complices qui participent à la formulation ou à l’exécution d’un plan pour commettre une crime contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contres l’humanité, sont responsables de tous les actes qu’ils réalisent.

Il ne s’agit pas d’un simple exercice de style que de dénoncer les médias traditionnels pour leur comportement et pour leur incompétence, a déclaré dr. Tony Alessandrini, militant pour les droits de l’homme qui a publié plusieurs articles sur la colonisation de l’Irak par les U.S.A. Ce qui nous intéresse est non seulement le rôle joué par les mass média, mais leur complicité active dans les crimes commis et qui continuent d’être encore commis contre le peuple irakien.

Les mass media traditionnels sont totalement soumis au contrôle politique

Le Dr. Peter Philips, directeur du Projet de nouvelles censurées (Project Censured) de l’Université de Sonoma, Californie, a amené plein de témoignages. Il a déclaré qu’à aucun moment, en comptant depuis les années '30, les U.S.A. n’ont été si proches d’un „totalitarisme institutionnalisé”, en ajoutant que: la société américaine est devenue la moins informée, mais aussi la meilleure en matière d’équipements de distractions (distraite de la réalité n.n.) du monde.

Le tribunal a également audité le témoignage de David Miller, l’auteur de l’ouvrage Mentez-moi ! La propagande et la distorsion médiatique dans l’attaque contre l’Irak (Tell Me Lies: Propaganda and Media Distortion in the Attack on Iraq). Miller a affirmé que le Pentagone ne veut pas reconnaître la notion de journalise indépendant, parce que celui-ci propage des informations qu’il s’efforce de masquer. Les mass média traditionnels des U.S.A. et de la Grande Bretagne sont complices parce qu’ils ont favorisé l’invasion et l’occupation de l’Irak. Toutes les études indépendantes réalisées sur les moyens de communication de masse traditionnels montrent une totale obédience de ceux-ci envers les directives politiques gouvernementales.

Fernando Suarez, politicien espagnol et euro-parlementaire, s’était décidé à déposer son témoignage devant le Tribunal Mondial pour l’Irak après la mort de son fils dans cette guerre. Suarez a raconté comment le Pentagone avait affirmé initialement que son fils a été tué d’une balle dans la tête par des irakiens, pour apprendre ultérieurement que son fils est mort parce qu’il a mis le pied sur une bombe à fragmentation américaine, arme officiellement considérée comme illégale. „Rien de ce qu’ils m’ont dit n’est vrai. J’ai découvert la vérité tout seule et cette vérité est évidente. Le 26 mars, l’armée américaine a lancé 20.000 bombes qui explosent en se fragmentant sur l’Irak, mais seulement 20% d’elles ont explosé sur place. Le reste de 80% se trouvent encore dans les villes et mettent en danger la vie des habitants paisibles. Bush a envoyé mon enfant là-bas, pour la raison que l’Irak pourrait détenir des armes illégales, mais mon fils est mort justement parce que les américains utilisent là-bas des armes illégales. Les mass média ne parleront jamais des armes illégales américaines.

Comme il fallait le prévoir, les mass média ont gardé le silence quant à l’activité du Tribunal Mondial pour l’Irak. À présent, en 2008, l’Irak est encore sous occupation américaine, et les violences continuent, avec la complicité des mass média.

Mihai Vasilescu

YOGAESO

mercredi

Chavez et les FARC

 

La Colombie, Interpol et le cyberguérillero 

Ordinateurs bavards, journalistes peu regardants


Apparemment, la médiation entreprise par le président vénézuélien Hugo Chávez dans l’affaire des otages des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a dérangé. Pourtant, grâce à elle, sept personnes ont retrouvé la liberté, et d’autres avancées pouvaient être espérées. Au terme de l’épisode obscur qui a abouti à la mort du commandant des FARC Raúl Reyes, M. Chávez mais aussi le chef de l’Etat équatorien Rafael Correa se retrouvent mis en accusation par Washington et Bogotá. Sur quelles bases et avec quel degré de crédibilité ?

Premier mars 2008, minuit vingt-cinq. Avec une précision implacable, la première des dix bombes « intelligentes » guidées par GPS atteint sa cible. Nous ne sommes pas au Proche-Orient. La scène se déroule en Equateur, à moins de deux kilomètres de la frontière colombienne. Là où le rio Putumayo sépare les deux pays. Quatre hélicoptères Blackhawk OH-60 surgissent de la nuit. A bord, quarante-quatre commandos spécialement sélectionnés au sein de la Force de déploiement rapide de Colombie (Fudra). Ils n’ont pas à combattre. Dans le campement provisoire des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), ravagé par les explosions, gisent vingt-trois corps. Tués en plein sommeil. Parmi eux, Raúl Reyes, numéro deux et « ministre des affaires étrangères » de la guérilla. Son cadavre est emporté comme un trophée.

Tôt le matin, le président colombien Alvaro Uribe contacte son homologue équatorien Rafael Correa. Il lui explique la situation : attaquées depuis l’Equateur, les unités héliportées colombiennes, en état de légitime défense, ont dû répliquer et poursuivre les rebelles. Mais, assure-t-il, comme le fera dans la matinée son ministre de la défense Juan Manuel Santos, les tirs ont été effectués depuis le territoire colombien, « sans violer l’espace aérien équatorien ».

Dans un premier temps, M. Correa croit en la parole du président colombien. Ils se téléphonent tous les jours et entretiennent des rapports amicaux. Deux semaines auparavant, en privé, devant un café, M. Correa n’a-t-il pas confié à un proche conseiller du chef d’Etat vénézuélien : « Dis à [Hugo] Chávez que je m’entends très bien avec Uribe et que, s’il veut, je peux aider à arrondir les angles entre eux » ?

M. Correa se sent trahi quand des militaires équatoriens se rendent sur les lieux et que la vérité se fait jour : non seulement les Colombiens ont violé le territoire équatorien, mais, ajoute-t-il lors de sa conférence de presse du 2 mars, il s’est agi d’« un massacre ».

Des officiers qui travaillent pour la CIA

La mort du chef guérillero déclenche une crise aux multiples dimensions. Quito rompt ses relations diplomatiques avec Bogotá et envoie onze mille hommes à la frontière. Immédiatement imité par Caracas, qui expédie dix bataillons aux confins de la Colombie. Décision mûrie plus que réaction irraisonnée. « Nous ne voulons pas la guerre, avertit M. Chávez, mais nous ne permettrons pas à l’Empire, ni à son petit chien, de venir nous affaiblir. » Et d’intervenir, en toute impunité, sur le territoire de ses voisins.

Le mot « condamnation » ne sera pas adopté, mais tous les gouvernements sud-américains « rejettent » l’incursion colombienne. Au nom de la « lutte contre le terrorisme », les Etats-Unis soutiennent Bogotá. Interrogé, le sous-secrétaire adjoint du département d’Etat pour l’hémisphère occidental, M. Craig Kelly, explique : « Ce que nous avons dit est, premièrement, qu’un Etat doit se défendre contre la menace du terrorisme et que, quand on parle de frontière, il faut envisager le contexte général, c’est-à-dire une violation continue des frontières de la part des FARC. » Nouvelle question du journaliste : « Cela signifie-t-il, par exemple, que si le Mexique poursuivait des narcotrafiquants sur le territoire américain, les Etats-Unis ne feraient aucune objection à l’entrée de troupes mexicaines sur leur territoire ? » Réponse : « Je ne vais pas entrer dans une discussion théorique... ».

On a spéculé sur la nature des aéronefs utilisés pour le bombardement high-tech du 1er mars. Cinq Supertucanos EMB-314 (de fabrication brésilienne) et trois bimoteurs A-37 (américains) de l’armée de l’air colombienne ayant décollé de la base de Tres Esquinas (Caquetá) ont été évoqués. Les bombes utilisées ne peuvent en aucun cas être lâchées depuis ce type d’avions. Une seule certitude : ces armes ultra-sophistiquées ont fait beaucoup de dégâts lors de l’invasion de l’Irak...

L’ombre de Washington plane à nouveau lorsque M. Correa découvre certaines... anomalies. Et, surtout, quand il constate que son état-major lui a menti. La tension atteint son paroxysme lorsque le général Jorge Gabela, commandant de la force aérienne, lui explique que le radar le plus proche de Santa Rosa (zone où se trouvait le campement des FARC) ne fonctionnait plus depuis plusieurs jours parce qu’il était... en maintenance. En limogeant le chef des services de renseignement, le colonel Mario Pazmiño, M. Correa s’emporte : « Il y en a assez de ces services de renseignement qui sont, aussi, financés par l’ambassade des Etats-Unis. (...) Il y a des officiers qui travaillent pour la CIA [Central Intelligence Agency] avant de travailler pour le gouvernement !»
Le président remplace le ministre de la défense Wellington Sandoval par un de ses proches, M. Javier Ponce. Cette reprise en main provoque la démission du chef du commandement conjoint des forces armées et des chefs de l’armée de terre, de la marine et de l’aviation.

Les premières salves s’abattent sur ce président qui dérange. N’a-t-il pas annoncé, lors de sa campagne électorale, qu’il fermerait la base américaine de Manta ? La concession de ce poste d’opération avancé (Foreign Operating Location, FOL en anglais), loué aux Etats-Unis en 1999, arrivera à expiration en 2009. Le 28 février, l’Assemblée constituante réunie pour « refonder le pays » a adopté un article qui établit : « L’Equateur est un territoire de paix qui ne permet pas l’établissement de bases militaires étrangères. » Disposant d’une technologie de pointe, Manta est l’une des pièces maîtresses de l’aide militaire de Washington à la Colombie. Lors de l’opération du 1er mars, la base a permis le contrôle de l’espace aérien.
Bogotá ouvre le feu en annonçant que, lors de son raid, l’armée colombienne a saisi un (il y en aura bientôt trois, et plus...) ordinateur portable appartenant à Reyes. Et que ce matériel a lâché de terribles secrets : les présidents Chávez et Correa entretiennent avec les FARC des liens incestueux.

En l’absence de certitudes surgissent les premières interrogations. Le campement principal de Reyes se trouve en Colombie, à proximité de la frontière. Les FARC disposent, dans cette région du Putumayo, d’innombrables caches, planques, abris et camps. Mais le commandant guérillero passe dans le pays voisin avec (finalement) trois ordinateurs, deux disques durs et trois clés USB. Ne manquent que son coffre-fort et son téléviseur portable ! Le bombardement a fait vingt-trois victimes ; les dix bombes, d’après l’armée équatorienne, ont creusé des cratères de 2,40 mètres de diamètre sur 1,80 mètre de profondeur ; alentour, la végétation est ravagée. Les ordinateurs, eux, ne subissent aucune détérioration. Possible, mais...

Les portables ont parlé. Fer de lance d’une campagne permanente contre les gouvernements progressistes d’Amérique latine, le quotidien espagnol El País ne se pose pas de questions. Le 12 mars, ses lecteurs apprennent sous le titre « Les FARC trouvent refuge en Equateur » que « les guérilleros se déplacent dans le nord de l’Equateur en camionnette, comme l’a constaté un fonctionnaire de l’OEA [Organisation des Etats américains], qui exprime, en privé, son étonnement de croiser, dans des restaurants (comedores) de la zone frontalière, des guérilleros parfaitement équipés ». Ce que ne sauront pas les mêmes lecteurs, c’est que, le 15 mars, dans une lettre adressée au directeur de la publication, le secrétaire général de l’OEA José Miguel Insulza exprime sa « stupeur » et son « indignation » : « Je peux vous assurer que cette affirmation est absolument fausse. L’OEA n’a pas de missions spéciales, ni de fonctionnaires de quelque niveau que ce soit déployés sur la frontière nord de l’Equateur, de sorte qu’il est impossible que quelque fonctionnaire de cette organisation ait pu formuler une telle déclaration. »

Bloquer la négociation

Toujours est-il que Reyes et son groupe de combattants se trouvaient en Equateur. Depuis de longs mois, le commandant guérillero était le principal contact de tous les émissaires français, suisses, espagnols, vénézuéliens, équatoriens qui négociaient avec les FARC la libération de ses prisonniers et otages, parmi lesquels la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt.

Faisant preuve d’une intransigeance absolue, le mouvement d’opposition armée a longtemps exigé une conversation directe avec le gouvernement colombien. Il y aurait « échange humanitaire » otages contre guérilleros ou rien. Avec un objectif éminemment politique : retrouver, grâce à ce tête-à-tête, un statut de belligérant. Placées en 2002 sur la liste des organisations terroristes, les FARC n’ont jamais accepté cette qualification. Cet « échange » et cette reconnaissance, M. Uribe n’en veut à aucun prix.

La médiation entreprise par M. Chavez, le 31 août 2007, chamboule, en quelques mois, une situation bloquée depuis 2002. La guérilla libère sans conditions sept de ses prisonniers. Faisant dire à Caracas : « Les FARC entrent dans une logique plus “politique”, c’est bon signe pour la suite des événements. » A la grande frustration du président colombien qu’irritent au plus haut point les images d’otages remerciant chaleureusement des membres du gouvernement vénézuélien tout de rouge vêtus.

De fait, à Caracas, les conversations se poursuivaient ouvertement, par l’intermédiaire des commandants des FARC Iván Marquez et Rodrigo Granda . Et parfois même avec Reyes, dans le fameux campement établi sur le sol équatorien. Paris le savait. Quito également. Détail troublant : une semaine avant l’opération du 1er mars, des émissaires français rencontrent à Panamá M. Luis Carlos Restrepo, haut-commissaire pour la paix colombien. Celui-ci insiste auprès de ses interlocuteurs : « Maintenez le contact avec Reyes. C’est lui qui va vous aider, c’est votre homme, c’est lui qui va faciliter la libération d’Ingrid [Betancourt]. » De quoi expliquer l’extrême fureur de M. Correa : « Regardez la bassesse d’Alvaro Uribe ! Il savait qu’en mars douze otages allaient être libérés, dont Ingrid Betancourt. Il le savait et il a utilisé ses contacts pour monter ce traquenard. » Tuer le négociateur a toujours été le meilleur moyen de bloquer une négociation.

Cet aspect de la question va passer au second plan. Le 3 mars, le général Oscar Naranjo, directeur général de la police colombienne, fait un éblouissant numéro devant les journalistes. S’appuyant sur le matériel informatique « saisi près du corps de Reyes », il révèle l’« alliance armée entre les FARC et le gouvernement du Venezuela », ainsi que les liens politiques et économiques (lors de sa campagne électorale) entre M. Correa et la guérilla.

Ni désir de vérité ni réflexe de précaution ! Journaux et télévisions se déchaînent. Sur la base de « documents explosifs » (issus des fameux ordinateurs) aimablement « filtrés » par les services de renseignement colombiens, le quotidien colombien El Tiempo propriété de la famille Santos, à laquelle appartiennent le vice-président Francisco et le ministre de la défense Juan Manuel) et l’espagnol El País mènent le bal.

Dès le 4 mars, El País titre « Bogotá dévoile les appuis des FARC ». Dans « Les papiers des FARC accusent Chávez » (El País, 10 mai), premier article d’une série de Maite Rico, on apprend que « Chavez a approuvé sans un haussement de sourcils [une] demande de 300 millions de dollars (194 millions d’euros) » de la guérilla. Le 12 mai suivra l’article dénoncé par le secrétaire général de l’OEA. On découvrira plus tard que « les groupes liés au chavisme (...) viennent régulièrement [s’entraîner] dans les campements des FARC au Venezuela » (Maite Rico, 11 mai). Il existerait même des listes d’attente pour participer à ces « stages » !

Quand The Economist (« The FARC files », 24 mai) évoque la générosité de M. Chávez 300 millions de dollars à l’égard des FARC, il mentionne comme source de ses informations (exclusives ?) un message de Reyes reproduit dans El País et l’hebdomadaire colombien Semana. Poursuivant son travail d’investigation, il cite un document obtenu par... The Wall Street Journal : « Le ministre de l’intérieur vénézuélien, M. Ramón Rodríguez Chacín, a demandé aux FARC d’entraîner des soldats vénézuéliens aux tactiques de guérilla. » On ignore si The Wall Street Journal a lui-même recopié The Miami Herald, qui a sorti la même affirmation.

Le plus baroque succède au plus improbable. Entre 2000 et 2002, les FARC et Euskadi ta Askatasuna (ETA) ont planifié un attentat à Madrid contre des personnalités colombiennes l’actuel vice-président Santos, l’ancien chef de l’Etat Andrés Pastrana et l’ex-ambassadrice en Espagne Noemí Sanín (El Tiempo, 2 juin). Attentat qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas été revendiqué (et pour cause !). Mais les FARC essaieraient d’acquérir de l’uranium pour fabriquer une « bombe sale » (BBC Mundo, 5 mars 2008). Toujours d’après les « documents de Reyes », l’amitié de M. Chávez car on en revient toujours là avec les rebelles colombiens remonte au moins à 1992 : incarcéré pour sa tentative de coup d’Etat (4 février), il a reçu 150 000 dollars des FARC (Le Figaro, 5 mars, et The Wall Street Journal, 11 mars). Sans doute dépensés à la cantine de la prison ! En effet, lors de sa libération, en 1994, sans moyens, il a dû se faire héberger dans un petit appartement du centre de Caracas appartenant à son futur ministre de l’intérieur Luis Miquilena, qui lui a également prêté une voiture.

Tout en se montrant plus prudent dans le corps de l’article, Le Monde (12 mars) chapeaute un texte évoquant un déserteur de la guérilla : « A en croire le déserteur, un chef des FARC, Iván Marquez, et leur dirigeant historique, Manuel Marulanda, séjourneraient au Venezuela. » C’est ce qui restera dans l’esprit du lecteur. Tout comme le titre du Figaro : « Liaisons dangereuses entre les FARC et Chávez » (15 mai).

Inutile de préciser qu’au Venezuela les quotidiens El Nacional et El Universal, comme les chaînes privées Radio Caracas Televisión (RCTV) et Globovisión, boivent du petit lait. Ils relaient avec enthousiasme le gouverneur de l’Etat de Zulia et ex-candidat à l’élection présidentielle Manuel Rosales lorsque celui-ci accuse le président Chávez de « trahison de la patrie ».

L’un des multiples éditoriaux du Washington Post consacrés au Venezuela pourrait résumer à lui seul la nature de cette formidable campagne médiatique : « Si le scandale des ordinateurs est utilisé de manière adéquate [c’est nous qui soulignons], il approfondira le trou dans lequel cette supposée “révolution bolivarienne” est en train de se noyer. »

D’où sortent les documents ?

Oui, mais... Car il y a un « mais ». Comment mettre en doute la véracité de documents dont l’authenticité a été confirmée par l’International Criminal Police Organization plus connue sous le nom d’Interpol ? Argument imparable sur lequel s’appuient tant Bogotá que l’ensemble du grand cirque médiatique. En examinant quelques détails non dépourvus d’intérêt...

C’est le 4 mars que le général Naranjo a sollicité Interpol pour une expertise indépendante du contenu des « huit pièces à conviction informatiques ». L’organisation ayant accédé à cette demande, son secrétaire général, l’Américain Ronald K. Noble, présente son rapport, à Bogotá, le 15 mai. On passera rapidement sur l’hommage appuyé qu’il rend, lors de sa conférence de presse, au général Naranjo, assis près de lui, et au Département administratif de sécurité (DAS), la police politique. Pour la petite histoire, M. Naranjo, ex-chef de la police antidrogue colombienne, a été obligé de démissionner après la détention de son frère Juan David en Allemagne, en mars 2007, pour... narcotrafic. Il est mis en cause par le ministre de l’intérieur vénézuélien, M. Rodríguez Chacín, pour ses liens avec le « narco » Wilmer Varela (assassiné le 29 février 2008). Quant au DAS, son ancien directeur Jorge Noguera a été arrêté le 22 février 2007 pour avoir mis au service des paramilitaires les ressources de la police politique.

D’après le rapport et les déclarations de M. Noble, le champ d’intervention d’Interpol s’est limité à « établir quelles données contenaient les huit pièces à conviction (...) ; à vérifier si les fichiers utilisateur avaient été modifiés de quelque façon que ce soit le 1er mars 2008 ou après cette date ; à déterminer si les autorités colombiennes (...) avaient traité et examiné les huit pièces à conviction (...) conformément aux principes reconnus au niveau international (...). » Mais « la vérification n’implique ni la validation de l’exactitude des fichiers utilisateur [les « documents » !] ni la validation de l’interprétation de quelque pays que ce soit relativement à ces fichiers utilisateur (...) ».

En d’autres termes, les experts d’Interpol (originaires de Singapour et d’Australie, et ne parlant pas espagnol) n’ont pas examiné les contenus. Et pour cause... Dans les 609,6 gigaoctets des huit « pièces à conviction » figuraient : 37 873 documents écrits ; 452 feuilles de calcul ; 210 888 images ; 22 481 pages Web ; 7 989 adresses de courriels (aucune référence à des courriers électroniques, pourtant abondamment cités par les médias) ; 10 537 fichiers multimédias (son et vidéo) ; 983 fichiers chiffrés. « En termes non techniques, un tel volume de données correspondrait à 39,5 millions de pages pleines au format Word de Microsoft et, si la totalité des données saisies étaient au format Word, il faudrait plus de mille ans pour prendre connaissance de toutes à raison de cent pages de lecture par jour. »

Beaucoup pour un seul homme, fût-il Reyes, se déplaçant sans cesse dans la jungle, vivant dans les conditions précaires du guérillero, et qui n’avait que 60 ans lorsqu’il est mort ! Pas trop, néanmoins, pour le gouvernement colombien qui, en quelques heures, puis, ensuite, à jet continu, divulgue les révélations dénichées dans les mémoires informatiques. Pas trop non plus pour nombre de journalistes qui mettent en musique les « documents » (authentifiés par Interpol !) que des mains innocentes leur confient.

Par son manque de rigueur, le rapport laisse parfois perplexe. Ainsi, lorsqu’il mentionne « Reyes et Guillermo Enrique Torres, alias Julián Conrado, commandants des FARC, sont morts pendant l’opération ». Bogotá, qui avait annoncé la mort de Conrado, le 1er mars, a dû démentir après un examen ADN pratiqué sur le seul corps (avec celui de Reyes) rapatrié par son commando. De même, la formule « les FARC ont été déclarées organisation terroriste par la Colombie, d’autres gouvernements et Interpol » mériterait d’être nuancée : cette qualification n’a été adoptée que par les Etats-Unis, la Colombie, le Pérou, l’Union européenne et Israël (trente et un pays), soit 17 % du total des membres d’Interpol (cent quatre-vingt-six pays membres).

Plus significatif encore... Les phrases « Les huit pièces à conviction (…) saisies aux FARC appartenaient à Raúl Reyes » et « les huit pièces à conviction saisies aux FARC » devraient pour le moins être rédigées de la façon suivante : « Les pièces à conviction remises à Interpol par les autorités colombiennes. » L’organisation policière se contente de reprendre la version de Bogotá, aucun témoin n’ayant assisté à la supposée récupération du matériel près du corps des guérilleros. Ce qui arrachera cette exclamation au président Correa, lors de sa visite à Paris, le 13 mai : « Qui va démontrer que les ordinateurs ont bien été trouvés dans le camp des FARC ? »

Dans un premier courrier envoyé à Interpol, le 4 mars, pour solliciter son aide, le général Naranjo évoque « trois ordinateurs et trois  dispositifs de stockage USB ». Dans sa réponse datée du 5 mars, M. Noble accepte, au nom de l’organisation, de faire examiner « trois  ordinateurs et trois clés USB ». Mais, le 6 mars, dans une lettre de la directrice du DAS Maria del Pilar Hurtado à Interpol, le matériel concerné devient « trois ordinateurs portables, trois clés USB et jamais mentionnés jusque-là deux disques durs ». D’où sortent ces disques durs ? Etaient-ils passés inaperçus ?

En substance, le rapport conclut qu’« aucune donnée n’a été créée, ajoutée, modifiée ou supprimée sur aucune de ces pièces entre le 3 mars 2008, à 11 h 45 [jour et heure de leur réception par le groupe d’enquête sur les infractions informatiques de la police judiciaire colombienne], et le 10 mars 2008, lorsque ces pièces ont été remises aux experts d’Interpol afin de créer des images-disques ». Il affirme également que « l’accès aux données (...) [pendant la même période] a été effectué conformément aux principes reconnus au niveau international en matière de traitement des éléments de preuve électroniques (...) ».

Mais entre le 1er (date de la saisie supposée) et le 3 mars ? Un agent de l’unité antiterroriste colombienne « a accédé directement au contenu des huit pièces à conviction (...) dans des conditions d’extrême urgence »  et elles ont toutes été connectées à un ordinateur « sans création préalable d’une image de leur contenu et sans utilisation de matériel de blocage en écriture » . De sorte que, durant ces trois jours, « l’accès aux données (...) n’a pas été effectué conformément aux principes reconnus au niveau international ». Fâcheux lorsqu’on découvre que 48 055 (!) fichiers ont été créés, ouverts, modifiés ou supprimés (lire « Bidouillages informatiques »).

Aucun tribunal ne pourrait s’appuyer sur les résultats d’un tel rapport pour juger quiconque ou quelque pays que ce soit. Mais la rumeur court, faisant les gros titres. Elle n’en finit pas d’être alimentée, atteignant l’Equateur et, surtout, le Venezuela. Si, aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour que ce pays entre dans la catégorie des « Etats terroristes » ou des « Etats voyous », cette campagne en crée les conditions dans l’opinion publique. En fait, analyse M. Maximilien Arvelaiz, proche conseiller du président Chávez, « George Bush veut à tout prix laisser des bombes à retardement pour que, quelle que soit l’issue de l’élection de novembre, il soit très difficile d’infléchir la politique des Etats-Unis vis-à-vis du Venezuela ».

Dans un autre registre, cette « psy-op » (opération psychologique, dans le jargon de l’espionnage) rend très difficile la reprise de négociations pour la libération des otages, le Venezuela et l’Equateur se trouvant de fait écartés sauf surprise, jamais impossible dans un tel imbroglio d’une quelconque médiation.

Maurice Lemoine, Le Monde Diplomatique

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lundi

Le Nicaragua pour les Nuls

 

La Revanche de Montezuma

Le 16 mars 1988, il y a vingt ans aujourd'hui, le colonel Oliver North et l'amiral John Poindexter de l'armée des État-Unis étaient inculpés de multiples chefs d'accusation pour le rôle sinistre qu'ils avaient joué dans la guerre sale, l'affaire Iran-Contra, également connue sous le sobriquet de « Irangate ».

Le Nicaragua pour les Nuls

Les aborigènes Nicarao s'installent dans la région 4000 ans avant JC. Ils y vivent plutôt paisiblement jusqu'en 1502, date du débarquement d'un certain Christophe Colomb. Le conquistador Francisco Hernández de Córdoba entreprend de coloniser ces terres et fonde deux villes en 1524 (Granada et León). Mais il se retrouve rapidement en compétition avec d'autres pillards espagnols et termine sa carrière décapité par un rival. Les aborigènes qui ne furent pas assassinés devinrent tout bonnement des esclaves, sur les plantations ou au fond des mines.  Après avoir fait partie des différentes incarnations des administrations coloniales espagnoles, le Nicaragua devient une république en 1838. C'était la mode, à l'époque. En 1856, le rigolo aventurier William Walker, vague ancêtre de monsieur W. Bush, organise un coup d'état financé par Vanderbilt, qui voit l'occasion de créer une ligne maritime qui relierait l'Est à l'Ouest des États-Unis. Walker trahit Vanderbilt, qui se fâche, et Walker est exécuté après une longue et humiliante fuite.

En 1909, le vilain président Zelaya prévoit instituer une loi qui régirait l'accès des firmes étrangères aux ressources naturelles du Nicaragua. Les États-Unis organisent généreusement un coup d'état, histoire de prévenir cette infamie, et renversent son gouvernement. De 1912 à 1933, le pays est occupé par les bons Marines, qui assurent le maintien du bon droit, de la démocratie et de la poursuite du bonheur, conformément à leurs idéaux. Le Nicaragua a pendant cette époque la formidable opportunité de devenir une colonie occupée par l'oncle Sam, ce qui favorise vachement la santé publique, le développement durable, les droits des minorités et l'égalité des chances.


De 1925 à 1933, le libéral Augusto César Sandino dirige une révolte populaire et nationaliste, qui parvient éventuellement à chasser les Marines du pays. Mais au cours des négociations de paix, l'homme de paille des États-Unis, Anastasio Somoza García, le fait assassiner. Hi, hi ! nono ! Soutenue par la Garde Nationale (une sinistre cohorte d'escadrons de la mort, entraînés, financés, dirigés et soutenus par les États-Unis), la famille Somoza règne ensuite de façon despotique de 1936 à 1979. La santé publique perd son rang au sein des priorités, mais demeure assez bonne, du moins pour les Somoza et leurs domestiques. La démocratie, au cours de ces 43 ans, fait preuve d'une remarquable stabilité et l'économie, bien qu'inexistante, est jugée « super-méga-chouette » par les propriétaires des transnationales.

La révolution Sandiniste populaire du FSLN, commencée en 1961, finit par avoir raison des Somoza et de la Guarda Nacional. Au moment de la prise du pouvoir par Daniel Ortega, le Nicaragua est le second pays le plus pauvre de toutes les Amériques, juste derrière Haïti. Écoles, terrains de jeux, pluralisme, distribution des richesses, hôpitaux, élections, ces monstres de Sandinistes se permettent toutes les bassesses pour faire de la peine aux bons mon oncles en charge de fabriquer le rêve américain. Les Sandinistes exagèrent pas mal, dans le trip « bon gestionnaire », en subventionnant l'industrie privée et le commerce, et en honorant la titanesque dette nationale. Ces provocations dépassent les bornes, et la CIA entreprend de constituer une armée de mercenaires redoutables. Ces « combattants de la liberté », tels que les appelle George HW Bush, alors vice-président, ces héros sans peur et sans reproche, s'attaquent en premier lieu aux pires éléments de cette répression marxiste d'inspiration soviétique qui sévit dans le pays : les sages-femmes. On en tue autant que possible, et grâce aux missiles, aux hélicoptères, aux lance-flammes que fournit l'once George, ce rêve devient possible.

Augusto César Sandino, General de hombres libres

Augusto César Sandino, General de hombres libres

C'est alors que le Congrès des États-Unis (un véritable nid de socialistes enragés), interdit au gouvernement américain de fournir des armes aux Contras (pourtant de méritants et courageux assassins de profs d'écoles). En haut lieu, on connaît la menace que représentent les organisateurs de coopératives de maïs. C'est pourquoi on trouve une façon de financer les Contras, à l'insu du Congrès. De façon, disons, illégale. Grosso modo, la CIA organise un réseau de vente de cocaïne colombienne, dont les profits vont à acheter des armes qu'on vend à l'Iran (alors comme aujourd'hui un faux ennemi des É-U, qui joue le vilain dans la pièce de guignol) et l'argent de ces armes va directos aux braves et opiniâtres empoisonneurs de puits Contras.

L'affaire éclate au grand jour, les médias font la danse du bacon, la tivi s'énerve. Un procès-gag est organisé, quelques tapes sur les doigts sont promises, mais par la suite oubliées. Le grand dirigeant du projet, George HW Bush, devient président des ÉU. Reste le réseau de vente de coke, qui — à ce qu'on sache — opère toujours, et également une sorte de principe systémique, qu'il vaut la peine de garder en mémoire, surtout quand on songe que la culture de l'héroïne, presque disparue sous les Talibans, a repris de plus belle depuis l'invasion de l'Afghanistan par nos courageux soldats. L'un des dirigeants relaxés par l'enquête du Irangate, malgré des preuves plutôt solides contre lui, s'appelait Robert Gates, il est aujourd'hui directeur de la CIA.

Et vogue la galère !

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samedi

Yasser Arafat, empoisonné

 

Les circonstances politiques de la mort de Yasser Arafat

Le 11 novembre 2004, le président Yasser Arafat décédait dans un hôpital militaire français. Une polémique se déclenchait alors sur l’origine de son empoisonnement. Ce n’est que bien plus tard, lors de la saisie par le Hamas de documents dans les archives personnelles du ministre Mohamed Dahlan, que les preuves du complot furent réunies. L’assassinat a été commandité par Israël et les Etats-Unis, mais réalisé par des Palestiniens. Thierry Meyssan revient sur les circonstances politiques qui ont conduit à planifier cette élimination.

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Mohammed Dahlan et Mahmoud Abbas

L’arrivée au pouvoir de George W. Bush, en janvier 2001, et celle du général Ariel Sharon, en mars 2001, en pleine Intifada, marquent un changement radical de politique à l’égard des Palestiniens. La période coïncide avec la remise du rapport du sénateur George Mitchell sur les responsabilités partagées dans la continuation du conflit. Le président Bush désigne un diplomate chevronné, William Burns, pour le représenter au Proche-Orient. Avec le directeur de la CIA, George Tenet, ils élaborent un protocole en six points pour cesser le feu. MM. Sharon et Bush examinent ce plan, le 26 juin 2001 à la Maison-Blanche.

Il s’agit en fait d’une simple mise en scène. La réouverture des voies de circulation dans les Territoires occupés est subordonnée à l’arrêt immédiat et complet des hostilités. En d’autres termes, les mesures de répression dans les Territoires occupés ne seront levées que si les Palestiniens renoncent sans contrepartie à la résistance armée. MM Sharon et Bush s’accordent sur un discours qui stigmatise le président Yasser Arafat et le rend responsable de la poursuite des hostilités : il est « le terroriste » par excellence et les deux pays doivent s’unir pour faire échec au « terrorisme ». Par conséquent, le général Sharon décide d’appliquer désormais la stratégie des « assassinats ciblés » aux dirigeants politiques palestiniens. Le premier éliminé sera Abou Ali Moustapha, un des chefs de l’OLP.

Aussi lorsque surviennent les attentat du 11 septembre 2001, cette rhétorique se fond sans problèmes dans celle de la « guerre au terrorisme ». Ce matin-là d’ailleurs, les médias diffusent une revendication par un groupe palestinien et Israël ferme toutes ses représentations diplomatiques dans le monde. Des images d’une quinzaine de Palestiniens criant leur joie devant les dommages infligés aux Etats-Unis font le tour du monde. Quoi qu’il en soit, la responsabilité palestinienne sera écartée au cours de la journée et les attentats seront attribués à un groupuscule installé en Afghanistan. Pour clore ce chapitre, Yasser Arafat se rendra dans un hôpital donner son sang pour les victimes états-uniennes. Mais l’occasion est trop belle : les dirigeants israéliens multiplient les déclarations de compassion avec les victimes en établissant un parallèle entre ce qu’endurent les États-uniens et les Israéliens. Ariel Sharon qualifie l’Autorité palestinienne d’« organisation soutenant le terrorisme », tandis que le porte-parole de la Maison-Blanche souligne qu’Israël a le droit de se défendre. L’amalgame est complet entre Résistance et terrorisme.

Tel-Aviv multiplie les démarches pour isoler « le terroriste » Yasser Arafat. Cependant, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne réaffirment que le président de l’Autorité palestinienne est un partenaire pour la paix, tandis que Washington maintient ses contacts avec le vieux leader.

Constatant l’impossibilité d’une solution militaire, le général Sharon imagine un plan de redécoupage de la Palestine qui assure la continuité territoriale d’Israël et de ses colonies et qui, au contraire, divise les Territoires palestiniens en deux zones discontinues. Avec discrétion, il débute de grands travaux d’équipement, notamment la construction d’un mur qui marquera la nouvelle frontière. Le plan d’ensemble ne sera dévoilé qu’ultérieurement. Le général Sharon se contente dans un premier temps d’annoncer la création de « zones tampons », taillées dans les Territoires occupés. Simultanément, une association d’anciens officiers mène une campagne de propagande pour une séparation unilatérale des juifs d’avec les arabes. On se dirige vers une forme d’apartheid où Gaza et la Cisjordanie joueront le rôle de Bantoustans.

Pour déplacer les lignes sur le terrain, le cabinet israélien lance l’opération « Mur de protection » (parfois traduite par opération « Rempart ») dont l’intitulé ne sera compris qu’ultérieurement. Tsahal rase une partie de Jénine et assiège la Basilique de la Nativité à Bethléem où l’Église catholique a accordé l’asile à des résistants palestiniens. Le général Sharon désigne Yasser Arafat comme l’« ennemi d’Israël », ce que beaucoup interprètent comme le signal de son élimination imminente. Dans une allocution télévisée solennelle, le Premier ministre israélien déclare : « L’État d‘Israël est en guerre (…) Une guerre sans compromis contre le terrorisme (…) activité coordonnée et dirigée par Yasser Arafat ». Durant cinq mois, les Forces israéliennes assiègent le palais présidentiel à Ramallah et déclarent la ville « zone militaire interdite ». Le vieux leader est cantonné dans quelques pièces, tandis que l’eau et l’électricité sont coupés. Sharon lui offre de partir, « avec un billet sans retour ». À l’issue du siège, levé sous la pression internationale, Arafat restera assigné à résidence dans les ruines du palais présidentiel.

Le prince Abdullah d’Arabie saoudite énonce un plan de paix raisonnable, tenant compte des intérêts des différents protagonistes. Il le présente au sommet de la Ligue arabe à Beyrouth, en l’absence de Yasser Arafat prisonnier à Ramallah, et obtient le soutien des États arabes. George Bush, —qui jouait d’un côté le chaud avec William Burns et Donald Rumsfeld, de l’autre le froid avec Anthony Zini et Colin Powell— sabote le plan de paix arabe. Le 24 juin 2002, il se prononce pour la création d’un État palestinien, mais pose comme préalable le départ volontaire du président Arafat et la mise en place d’une nouvelle direction palestinienne qui ne soit pas « compromise avec le terrorisme ».

La logique qui va conduire à l’assassinat du vieux leader est désormais en marche. Rien ne pourra l’arrêter.

Washington sollicite en vain ses partenaires du Quartet (ONU, Union européenne, Russie) pour qu’ils appuient le départ d’Arafat. A la suite d’un attentat qui fait 7 morts à Tel-Aviv, le général Sharon ordonne de reprendre le siège du palais présidentiel. Tsahal détruit presque tout le complexe gouvernemental et les dirigeants israéliens ne font pas mystère de vouloir en finir avec leur « ennemi » Arafat. Toute la population palestinienne manifeste en soutien au vieux leader, tandis que le Conseil de sécurité vote la résolution 1435 intimant à Israël de cesser immédiatement cette opération. Tsahal lève le camp.

Des élections anticipées sont convoquées en Israël. Leur résultat renforce le pouvoir d’Ariel Sharon. En composant son nouveau cabinet, il déclare sans détour qu’il va « achever la guerre contre le terrorisme, écarter la direction terroriste et créer les conditions de l’émergence d’une nouvelle direction avec laquelle il sera possible de parvenir à une paix véritable ».

Yasser ArafatLa Russie et la France pressent Arafat de lâcher du lest pour éviter le pire. Le vieux leader consent à créer un poste de Premier ministre et à le confier à une personnalité qui sera acceptée par Tel-Aviv et Washington et pourra discuter avec eux pour rompre l’isolement. Il désigne Mahmoud Abbas. Les deux hommes ont toutes les difficultés à s’accorder pour la formation du gouvernement. Abbas souhaite confier les relations avec les organisations de la Résistance militaire au général Mohammed Dahlan qu’Arafat récuse. En définitive, ils conviennent de nommer Dahlan à la tête de la police.

Quoi qu’il en soit, la formation de ce gouvernement ne change rien. La décision de tuer Arafat a été prise. C’est même le programme officiel du nouveau cabinet Sharon. L’ambassadeur William Burns et le Premier ministre Ariel Sharon organisent une rencontre secrète avec le Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas et le futur ministre de l’Intérieur Mohammed Dahlan. Les conjurés mettent au point les détails du crime. Ils conviennent à la fois d’assassiner le vieux leader et les chefs du Hamas, pour que ceux-ci ne puissent pas reprendre le flambeau.

Le Quartet accueille la nomination du nouveau gouvernement palestinien en publiant la « feuille de route ». Le cabinet Sharon approuve publiquement cette démarche, mais transmet en secret à la Maison-Blanche une note explicitant 14 réserves qui vident la « feuille de route » de son sens.
Pendant six mois, Mahmoud Abbas participe à de nombreuses rencontres internationales pour mettre en œuvre les recommandations du Quartet et est reçu avec tous les honneurs à la Maison-Blanche. Cependant, il apparaît vite qu’il prend des engagements hors de ses compétences. Il aurait ainsi promis au sommet d’Akaba la fin de la Résistance armée sans contrepartie.

Quoi qu’il en soit, Jacques Chirac est informé du complot. Il alerte son homologue russe, Vladimir Poutine. La France et la Russie proposent au président Arafat de l’évacuer immédiatement de Ramallah et de lui accorder l’asile politique dans le pays de son choix. Le vieux leader décline l’offre. Il sait que s’il quitte la Palestine, il n’y retournera jamais.

Pour garantir sa sécurité, Arafat créé un poste de Conseiller national de sécurité qui empiète sur les prérogatives d’Abbas et de Dahlan. Il le confie à Jibril Rajoub. La tension atteint son paroxysme. Abbas démissionne, emportant Dahlan avec lui.

C’est dans cette période que Mohammed Dahlan a adressé une lettre au ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz ; un document dont le double a été retrouvé dans les archives privées de Dahlan lors de sa fuite. Il y écrit : « Soyez certain que les jours de Yasser Arafat sont comptés. Mais laissez-nous l’abattre à notre manière, pas à la vôtre (…) je tiendrai les promesses que j’ai faites devant le président Bush ».

Yasser Arafat nomme Ahmed Qorei Premier ministre. Le cabinet Sharon réplique en adoptant le principe de l’expulsion du président de l’Autorité palestinienne hors de Palestine. Les Palestiniens manifestent à nouveau pour leur leader. La Syrie demande au Conseil de sécurité de l’ONU d’interdire l’expulsion du président Arafat, mais les États-Unis opposent leur veto à ce projet de résolution. Par rétorsion, les avions israéliens survolent le palais présidentiel syrien et bombardent un ancien camp palestinien près de Damas.

En mars 2004, Tsahal assassine cheikh Ahmad Yassine, chef spirituel du Hamas. Ce meurtre ne peut se comprendre que comme la volonté de décapiter la branche musulmane de la Résistance de sorte qu’elle ne puisse prendre la relève lorsque la branche laïque sera elle aussi décapitée. A l’ONU, Washington oppose son veto à une résolution condamnant ce crime. Continuant sur cette lancée, Tsahal assassine le mois suivant Abdel Aziz al-Rantissi, le chef civil du Hamas.

Ariel Sharon se rend à Washington et dévoile le nouveau plan de partage de la Palestine qu’il met en œuvre depuis trois ans. Il insiste sur le fait que la continuité territoriale israélienne exige le démantèlement de colonies trop avancées et indéfendables ; et que les troupes israéliennes se retireront des territoires destinés aux Palestiniens. Il admet le projet de séparation des populations en entités ethniquement homogènes et le tracé complet du mur de séparation. Le président Bush lui donne par écrit le feu vert de Washington et ajoute que, compte tenu de « la nouvelle réalité sur le terrain », le principe de retour aux frontières établies par la communauté internationale est désormais « irréaliste ». Le fait accompli prime sur le droit.
Le Conseil de sécurité refusant de condamner les annexions de territoires derrière le mur de séparation, l’Assemblée générale saisit la Cour de La Haye pour qu’elle dise le droit.

A Ramallah, Yasser Arafat craint que le ministre de l’Intérieur du gouvernement Qorei n’ait rejoint le complot. Il décide de le démettre. Ahmed Qorei, se sentant désavoué, présente sa démission. Finalement Arafat renonce. Qorei et son équipe restent, y compris les traitres.

Erreur fatale.

Le 21 octobre 2004, Yasser Arafat est pris de vomissements. Les médecins croient d’abord à une simple grippe. Son état empire rapidement et son système immunitaire est gravement affaibli. Sur proposition de son homologue français, Jacques Chirac, il accepte de quitter la Palestine pour se faire soigner. Il sait que sa vie est en danger et que même s’il en réchappe, il ne retrouvera plus sa terre. Il est pris en charge dans un hôpital militaire spécialisé. Les médecins ne parviennent pas à isoler le poison d’autant que ses assassins lui ont également inoculé le rétrovirus du sida rendant illisibles tous les examens. Il tombe dans le coma. Sa mort est annoncée le 11 novembre 2004 à 3h30 heure de Paris. L’Élysée veille à ce que l’acte de décès stipule que le président de l’Autorité palestinienne est né à Jérusalem.

Le cabinet Sharon s’opposant à l’inhumation à Jérusalem, des obsèques internationales ont lieu au Caire et l’inhumation à Ramallah. Les Collaborateurs qui ont comploté avec l’Occupant pour le tuer vont s’emparer du pouvoir sans tarder.

Thierry Meyssan Analyste politique français, président-fondateur du Réseau Voltaire et de la conférence Axis for Peace.

Ce texte est initialement paru en annexe du témoignage d’Isabel Pisano Yasser Arafat, intime. La Passion de la Palestine (éditions Demi-lune, 2009, préface de Tariq Ramadan). Ce livre est vendu par correspondance par la Librairie du Réseau Voltaire.

 

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mercredi

En Palestine, la résistance s’appelle Hamas

 

Le Hamas n’est pas un mouvement terroriste puisqu’il se bat pour la récupération des terres palestiniennes spoliées par l’État sioniste.

Le Hamas, mouvement de résistance islamique tel qu’il se définit, est actuellement le plus important des mouvements palestiniens. Il est d’obédience musulmane, ce qui me semble tout à fait logique vu qu’il a vu le jour dans un pays musulman, mais tous les membres et sympathisants de ce mouvement ne sont pas forcément musulmans. Beaucoup de mes amis du FPLP, souvent chrétiens, qui avaient essayé de concilier marxisme et nationalisme arabe, ont fini par rejoindre le Hamas pour continuer la résistance, une fois que le FPLP eut renoncé à la lutte armée. Le Hamas s’est d’ailleurs toujours présenté comme un «mouvement de résistance palestinien». La dénomination Hamas a été délibérément choisie en raison du rapprochement avec le sens du mot en arabe, qui signifie «ardeur, zèle», sur le modèle de l'acronyme inversé Fatah.

Le Hamas a été crée en décembre 1987 par le Cheikh Ahmed Yassine au moment de la première Intifada dans laquelle ce mouvement s’était largement investi à côté des mouvements représentés dans l’OLP et des différents comités crées pour l’occasion. Cheikh Yassine, paraplégique et en fauteuil roulant, a passé dix ans, de 1994 à 2004, dans les prisons de l’occupant. Le Hamas s’était inspiré à ses débuts du mouvement des Frères musulmans pour se transformer au fur et à mesure de ses combats en un mouvement de résistance et de reconquête des terres spoliées par Israël en 1948, lors de la création de l’État sioniste, puis de celles annexées en 1967, créant des centaines de milliers de réfugiés.

Le Hamas, ainsi que le Jihad islamique, étaient des mouvements tolérés sinon soutenus, par Israël, pour affaiblir l’OLP. Les sionistes voyaient d’un très bon œil ces mouvements religieux car ils s’imaginaient pouvoir les cantonner dans les mosquées. Ils se sont bien trompés, car chaque Palestinien, croyant, pratiquant, ou non, est avant tout un patriote et cherchera toujours à défendre la terre de ses ancêtres.

Les attaques de la branche armée du Hamas visent indistinctement civils et militaires israéliens et déstabilisent l’occupant qui a fait pression sur toute la communauté internationale, afin de mettre ce mouvement sur la liste des organisations terroristes établie par le Conseil de l’Europe, du Canada, du Japon et des USA. Sur cette liste figure également le FPLP depuis quelques années.

En revanche, pour la Grande-Bretagne et l'Australie, seule la branche armée du Hamas est classée comme terroriste; pour l'Afrique du Sud, la Russie, la Norvège, le Brésil et d'autres pays, le Hamas n'est pas classé comme terroriste.

Par ailleurs le mouvement a créé un vaste réseau d'assistance sociale en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, et a remporté les élections législatives palestiniennes de 2006; il a ainsi dirigé deux gouvernements successifs de l'Autorité palestinienne pendant quelques mois. Le groupe se concentre sur l'aide sociale et médicale, sur des projets religieux et une intense action d’aide aux familles. Il a acquis la confiance de l’ensemble de la population palestinienne.

Le Hamas, comme le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine, crée par Georges Habache) ont rejeté les accords d'Oslo de novembre 1993 signés entre Israël et l’OLP, qui ont donné naissance à l’Autorité nationale palestinienne. Le 16 avril 1993, le Hamas a revendiqué la première opération kamikaze qu'il a organisée, elle a été perpétrée contre un bus à Mehola Junction dans la Vallée du Jourdain.

Avant la seconde Intifada, le Hamas a inauguré l'utilisation des attentats-suicides contre des civils israéliens (notamment à Hadera, en avril 1994) et contre des soldats et a étendu la résistance pendant les années du soulèvement palestinien, particulièrement durant la seconde Intifada, celle de 2000.

Le chef historique du mouvement, le cheikh Ahmed Yassine, est assassiné dans sa chaise roulante, lors d'une attaque aérienne ciblée de l'armée israélienne le 22 mars 2004, sur ordre d'Ariel Sharon. Puis son successeur Abdelaziz Al Rantissi est également assassiné quelques jours après sa désignation, de la même façon, par un missile. Le changement de direction à la tête du Hamas entraîne un changement de stratégie du mouvement qui a commencé à s'impliquer davantage dans la vie politique.

Des représentants du Hamas se sont présentés aux élections municipales palestiniennes de 2005. Le succès aux municipales a fait apparaître le Hamas comme une opposition politique importante face au Fatah, un an avant les législatives prévues pour janvier 2006. Il apparaît depuis lors comme une organisation intègre et proche des gens face au Fatah embringué dans des histoires de détournement d’aides internationales et très bureaucratique.

En tant que parti de résistance, le Hamas est opposé au partage de son territoire avec Israël et a dénoncé les accords d'Oslo vus comme une trahison de la volonté du peuple. Le Hamas est pour une Palestine arabe, une terre où tous ceux qui le veulent peuvent vivre ensemble quelle que soit leur religion. Le 26 janvier 2006, le Hamas a remporté les élections législatives palestiniennes. Il a obtenu 56% des suffrages, ce qui lui a donné une majorité parlementaire de 74 sièges sur 132. Le Hamas a ainsi ravi la majorité au Fatah qui ne l’a jamais accepté et qui a toujours voulu prendre sa revanche quitte à faire le jeu de l’occupant.

Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a invité le Hamas à former le nouveau gouvernement, en janvier 2006. Mais ce résultat est perçu comme un net retour en arrière par les gouvernements étrangers qui jouaient le rôle de médiateurs dans le conflit israélo-palestinien. Ils voulaient bien des élections, mais voulaient également choisir les élus! Les USA ont déclaré qu'ils ne traiteraient pas avec le Hamas tant qu'il ne renoncerait pas aux opérations-kamikaze et seulement lorsqu'il accepterait le droit à l'existence pour Israël, ce qui est en contradiction avec la charte actuelle du mouvement.

Pendant la durée de la campagne législative palestinienne, il n'a pas été fait mention d'un objectif de destruction d'Israël, plusieurs commentateurs et médias israéliens précisent néanmoins que les dirigeants du Hamas ne renoncent pas explicitement à cet objectif. Pendant cette campagne, le Hamas a soutenu également la légitimité de son action passée, notamment les attaques menées en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, qui ont permis l'évacuation de la Bande de Gaza.

En février 2006, Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, réfugié à Damas, réitère la proposition de Hudna (trêve) et de mettre fin à la lutte armée si Israël se retire de tous les territoires occupés et reconnaît les droits du peuple palestinien. Le Premier Ministre par intérim, Ehud Olmert, exclut pour sa part toute négociation avec le Hamas : «Nous ne négocierons pas et nous ne traiterons pas avec une Autorité palestinienne dominée totalement ou partiellement par une organisation terroriste».

L'objectif du Hamas est l'établissement d'un État souverain sur le territoire actuellement constitué par Israël, la Bande de Gaza et la Cisjordanie (d'après les frontières d'avant 1967), avec Jérusalem comme capitale. Pour l'accomplissement de ce but, le Hamas soutient son droit à la lutte armée.

Selon certains médias, Abdelaziz Al Rantissi, l'un des cofondateurs du Hamas, assassiné par Israël comme son prédécesseur Ahmed Yassine, a affirmé que le but de l'organisation était d'«effacer Israël de la carte».

Ismaïl Haniyeh a été désigné par le Hamas pour former un nouveau cabinet de l'Autorité palestinienne. Depuis l'élection ayant porté au pouvoir le Hamas, c'est la crise en Palestine : fin des subventions internationales, nombreuses attaques de la part d'Israël, bouclage de la bande de Gaza et, plus récemment, des attaques bilatérales entre les deux principales factions palestiniennes, soit le Fatah du président Mahmoud Abbas et le Hamas du Premier ministre Ismaïl Haniyeh. Constatant l'échec des négociations Fatah-Hamas, le président Abbas menace à la mi-décembre de déclencher des élections législatives anticipées, bravant ainsi la Loi Fondamentale (Constitution palestinienne) qui n'accorde qu'au Conseil législatif cette prérogative. Le Hamas rejette la décision d'appeler à de nouvelles élections législatives. Malgré l’accord de départ, Mohammed Dahlan, membre du Fatah, chef de la Sécurité Intérieure, détesté par tous les militants, accentue les tensions et les amplifie pour leur faire atteindre leur paroxysme en juin 2007. Ainsi, le 15 juin 2007, suite à ce qui s'apparente à une guerre civile entre le Hamas et le Fatah, qui occasionnera 113 morts, les forces de sécurité du Hamas prennent le contrôle de la bande de Gaza, évinçant totalement le Fatah du territoire.

Le 17 juin, le président Mahmoud Abbas limoge Ismaïl Haniyeh de son poste de Premier ministre, nommant à sa place le ministre des Finances Salam Fayyad. Ce nouveau gouvernement siégeant à Ramallah et contrôlant la Cisjordanie n'est pas reconnu par le Hamas, car la Loi Fondamentale impose au Président en cas de limogeage du Premier Ministre, de le remplacer par un membre de la majorité parlementaire, à savoir le Hamas, or le parti de Salam Fayyad n'a obtenu que 2% des suffrages aux législatives contre 56% pour le Hamas, ce qui mène à la scission de fait des Territoires palestiniens en deux entités distinctes. Suite à ces évènements, des divergences apparaissent au sein du Fatah, resté au pouvoir en Cisjordanie, quant à l'attitude à adopter. Le président M. Abbas, toujours revanchard, n’acceptant pas le résultat des urnes, refuse catégoriquement tout « dialogue avec les putschistes, les assassins, les terroristes », qualifiant la prise de contrôle du Hamas de «plan pour diviser Gaza et la Cisjordanie et établir un Émirat, un mini-Etat, contrôlé par un seul groupe, ses fanatiques et ses fondamentalistes». D'autres, tel Marouan Barghouti, critiquent fermement le coup de force du Hamas à Gaza, mais tentent cependant de conserver l'objectif: l'unité des Palestiniens.

Le 27 décembre 2008, une offensive israélienne vise à déstabiliser le Hamas dans la Bande de Gaza, officiellement pour mettre fin aux tirs de roquettes sur le territoire israélien : c'est le début de la Guerre barbare de Gaza. Nous sommes spectateurs d’un génocide programmé sous nos yeux. Le ministre de l’Intérieur de Gaza, Saïd Siam, vient d’être assassiné à son tour, par une frappe aérienne ciblée. L’armée israélienne, à son habitude, a agi lâchement, massacrant aveuglément les voisins et les membres de sa famille. Nous honorons ici sa mémoire.

Nous demandons ici à tous nos amis palestiniens, d’oublier leurs rancœurs et leurs rivalités afin de reprendre le dialogue entre eux, de se serrer les coudes, car leur division ne profite qu’au colonisateur de leur terre. S’ils ont survécu à 61 ans de répression, d’exclusion, de massacres, de spoliation des terres et de l’espace, s’ils ont su résister avec peu de moyens… c’est parce qu’ils étaient unis.

Posté par Alainindependant  Paris, le 16 janvier 2009

 

SOSCRISE

lundi

Qui a peur du nucléaire civil iranien ?

 

Pour Thierry Meyssan, Le débat sur l’existence d’un éventuel programme militaire nucléaire iranien n’est qu’un écran de fumée. Les grandes puissances ont arrêté leur transfert de technologie dès la chute du Shah et la Révolution islamique a condamné le principe de la bombe atomique. Les prétendus soupçons occidentaux ne sont que des artifices utilisés pour isoler un Etat qui remet en cause la domination, militaire et énergétique, des puissances nucléaires et leur droit de veto au Conseil de sécurité.

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Aparté lors du vote de la résolution 1929 (9 juin 2010). Dans le sens des aiguilles d’une montre : les ambassadeurs allemand, britannique, chinois, russe, français et états-unien. 

La Maison-Blanche a diffusé un dossier de presse expliquant aux journalistes ce qu’est la résolution 1929 du Conseil de sécurité. Le contenu de ce document — et la vaste campagne de communication qui l’a soutenu — a été repris comme à l’habitude par les grands médias occidentaux sans la moindre réflexion critique.

Selon la presse occidentale — c’est-à-dire selon la Maison-Blanche dont elle est s’est fait pour l’occasion le perroquet — la résolution a été adoptée par « une base très large » et constitue « une réponse au refus constant de l’Iran de se plier à ses obligations internationales relatives à son programme nucléaire ». Voyons ce qu’il en est.

Sur 15 membres du Conseil de sécurité, 12 ont voté pour (dont les 5 membres permanents), 1 s’est abstenu, et 2 ont voté contre. Cette « base très large » masque en réalité un nouveau clivage : pour la première fois dans l’histoire du Conseil, un bloc de nations émergentes (le Brésil et la Turquie, soutenus par l’ensemble des pays non-alignés) s’est opposé aux membres permanents (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) et à leurs vassaux. Ainsi, cette « unanimité moins deux voix » exprime en réalité une fracture entre le directoire des Cinq Grands et ce que l’on doit à nouveau appeler le Tiers-monde (par analogie avec le Tiers état), c’est-à-dire ceux dont l’avis ne compte pas.

Le Brésil a joué un rôle central dans l’élaboration du traité de Tlatelolco, qui fait de l’Amérique latine une « zone exempte d’armes nucléaires ». La Turquie œuvre activement à faire du Proche-Orient une autre « zone exempte d’armes nucléaires ». Personne ne doute que ces deux Etats soient sincèrement opposés à la prolifération des armes nucléaires. Personne ne doute non plus que la Turquie, qui partage une frontière commune avec l’Iran, soit particulièrement vigilante pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.

Alors pourquoi ont-ils voté contre la résolution 1929 ? Comme nous allons le voir, la problématique posée par les grandes puissances n’est qu’un écran de fumée pour masquer un débat de fond dans lequel l’Iran et les non-alignés mettent en cause leurs privilèges.

L’ayatollah Rouhollah Khomeini (1902-1989).

Il déclare les armes de destruction massive incompatibles avec l’islam. 

Le mythe de la bombe iranienne

A l’époque du Shah Reza Pahlevi, les Etats-Unis et la France mirent en place un vaste programme visant à doter Téhéran de la bombe atomique. Il était admis, au vu de l’histoire du pays, que l’Iran n’est pas un Etat expansionniste et que de grandes puissances pouvaient lui confier sans risque cette technologie.

Ce programme fut interrompu par les Occidentaux au début de la Révolution islamique et donna lieu à un long contentieux financier autour de la société Eurodif. Selon les autorités iraniennes, il n’a jamais été repris.

L’ayatollah Khomeini et ses successeurs ont condamné la fabrication, le stockage, l’utilisation, et la menace d’utilisation de l’arme nucléaire comme contraires à leurs valeurs religieuses. Selon eux, il est moralement inacceptable d’utiliser des armes de destruction massive qui tuent indistinctement civils et militaires, partisans et adversaires d’un gouvernement. Cette prohibition a pris force de loi avec le décret émis par le Guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Khamenei, le 9 août 2005.

Les dirigeants iraniens ont déjà montré leur obéissance à ce principe et le peuple iranien l’a déjà payé très cher. C’était au cours de la guerre lancée par l’Irak contre le pays (1980-88). Saddam Hussein fit tirer des missiles non guidés sur les villes iraniennes. L’armée iranienne riposta à l’identique jusqu’à ce que l’imam Khomeini intervienne. Il fit cesser les tirs, en vertu de ce principe, interdisant de tirer à l’aveuglette sur les villes ennemies. Le pays fit le choix d’endurer une guerre plus longue plutôt que de la gagner en utilisant des armes non ciblées.

Compte tenu du mode de fonctionnement du pays, il ne paraît pas possible que des individus aient passé outre cet avis théologique et la mémoire des martyrs de cette guerre pour mettre en place un vaste programme secret de recherche et de fabrication de la bombe atomique.

La position iranienne anticipe le droit international. Ce n’est en effet qu’en 1996 que la Cour internationale de Justice de La Haye a mis en évidence que toute destruction massive est criminelle, et que le principe même de la dissuasion nucléaire, c’est-à-dire la menace de perpétrer un crime, constitue un crime en lui-même. Cependant, l’avis de la Cour n’étant pas contraignant, mais uniquement consultatif, les grandes puissances n’en ont que faire.

Le mythe d’un programme militaire nucléaire iranien a été forgé par les Anglo-Saxons après leur invasion de l’Afghanistan et de l’Irak. Leur plan stratégique prévoyait de prendre ultérieurement l’Iran en tenaille à partir de ses deux voisins. Dans cette période, les services états-uniens et britanniques ont disséminé de fausses informations à ce sujet comme ils le firent à propos du prétendu programme d’armes de destruction massive de Saddam Hussein. Les données transmises aux alliés et à la presse étaient le plus souvent fournies par un groupe d’exilés iraniens, les Moujahidines du Peuple. Il s’est avéré depuis que ces exilés inventaient leurs informations au fur et à mesure des besoins. Au demeurant, ils vivaient en Irak et, même avec des soutiens familiaux locaux, ils n’étaient pas en mesure de pénétrer en Iran l’organisation très cloisonnée des Gardiens de la Révolution. Aujourd’hui les experts US reconnaissent que cette source était sans valeur. Seuls les néo-conservateurs et les services secrets français, qui protègent en France le siège mondial des Moujahidines, continuent à y croire.

Cette intox servit de référence au vote des résolutions 1737 (23 décembre 2006) et 1747 (24 mars 2007).

Les accusations à l’encontre de l’Iran furent abandonnées par Washington, le 3 décembre 2007, lorsque le directeur national du Renseignement le vice-amiral John Michael McConnell rendit public un rapport de synthèse. On y apprenait que l’Iran avait cessé tout programme nucléaire militaire depuis des années et que, s’il le relançait, il ne pourrait de toute manière pas produire de bombe atomique avant 2015 au moins. En publiant ce rapport McConnell ne visait pas simplement à clore la polémique, il entendait surtout — dans la ligne d’un groupe d’officiers supérieurs réunis autour du vieux général Brent Scowcroft — suspendre le projet de guerre contre l’Iran, les Etats-Unis n’en ayant temporairement plus les moyens économiques et militaires. Nos lecteurs se souviennent que j’ai analysé cet événements dans nos colonnes, en annonçant le changement de politique à Washington six heures avant la publication surprise de ce rapport.

Un accord fut conclu entre le commandant du CentCom, l’amiral William Fallon, et ses homologues iraniens, avec l’assentiment du secrétaire à la Défense Robert Gates sous la supervision du maître à penser des officiers supérieurs, le général Scowcroft. Un scénario de détente avait été convenu pour permettre aux Etats-Unis de sortir d’Irak la tête haute. Cependant, le clan Bush-Cheney, qui espérait encore cette guerre, réussit à faire voter de nouvelles sanctions contre l’Iran avec la résolution 1803 (3 mars 2008), immédiatement suivie de la démission de l’amiral Fallon. Là encore, nos lecteurs se souviennent de cet épisode que j’ai décrit en détail dans nos colonnes.

Enfin, il y a eu la tentative du clan Bush-Cheney de contourner l’opposition de l’état-major états-unien en sous-traitant l’attaque de l’Iran à Israël. Dans cette perspective, Tsahal avait loué deux bases militaires aériennes à la Géorgie, d’où des bombardiers auraient pu frapper l’Iran sans avoir besoin de ravitaillement en vol. Las ! ce projet fut soudainement interrompu par la guerre d’Ossétie du Sud et le bombardement des bases israéliennes de Géorgie par la Russie.

En définitive, le général Scowcroft et son poulain, Barack Obama, ont récupéré cette polémique et l’ont utilisée pour faire avancer leurs plans. Il ne s’agit plus de préparer une guerre contre l’Iran, mais d’exercer une forte pression sur Téhéran pour l’obliger à coopérer avec les Anglo-Saxons en Afghanistan et en Irak. En effet, les forces occidentales se sont embourbées dans ces deux théâtres d’opération, alors que les Iraniens ont de puissants leviers parmi les populations azéries afghanes et chiites irakiennes.

Ainsi, le général Scowcroft, qui dégonfla le mythe du nucléaire iranien en décembre 2007 et reçu comme une gifle les sanctions contre l’Iran en mars 2008, est devenu le propagandiste de ces mêmes sanctions en 2010.

Mohammad Mossadegh (1882-1967)

renversé par un coup d’Etat fomenté par la CIA et le MI6.

L’indépendance énergétique des Etats émergents

Depuis 60 ans, l’Iran se préoccupe de son indépendance énergétique. Sous la monarchie impériale, le Premier ministre Mohammad Mossadegh, nationalisa l’Anglo-Iranian Oil Company, et expulsa la plupart des conseillers et techniciens britanniques. Dans son esprit et celui des autres sujets du Shah, il ne s’agissait pas tant de récupérer une manne financière que de s’approprier les moyens du développement économique. Le pétrole iranien assurerait la croissance d’une industrie iranienne.

Londres s’estimant lésé porta l’affaire devant la Cour de Justice internationale de La Haye. Et perdit. Les Britanniques sollicitèrent alors les Etats-Unis pour organiser un coup d’Etat. A l’issue de l’« opération Ajax », Mossadegh fut arrêté tandis que le général ex-nazi Fazlollah Zahedi lui succèda. Le régime du Shah devint alors le régime le plus répressif de la planète.

La Révolution islamique, qui renverse le Shah, reprend à son compte cette exigence d’indépendance énergétique. Anticipant l’épuisement de ses ressources pétrolières, Téhéran intègre dans son vaste programme de recherche scientifique et technique des travaux sur le nucléaire civil. D’autant que, selon les géologues iraniens, le pays regorgerait d’uranium exploitable, une richesse plus importante que le pétrole.

Ne disposant pas de combustible nucléaire, Téhéran s’en fournit grâce au président Raúl Alfonsín. Trois accords sont signés avec l’Argentine, en 1987 et 1988. Les premières livraisons d’uranium enrichi à 19,75 % ont lieu en 1993. Mais ces accords sont interrompus par les attentats de Buenos-Aires, en 1992 et 1994, imputés à l’Iran, mais probablement perpétrés par le Mossad qui s’était installé dans le pays durant la dictature du général Videla.

En 2003, l’Iran signe le Protocole additionnel du Traité de non-prolifération, qui tient compte des avancées scientifiques. En vertu des nouvelles dispositions, les signataires doivent notifier à l’Agence internationale de l’énergie atomique les installations nucléaires en cours de construction, alors que par le passé, ils ne devaient les notifier que six mois avant la mise en service. Du fait du changement de règles, Téhéran confirme la construction en cours de nouvelles unités à Natanz et Arak. Le Protocole additionnel ne prévoyant pas de mesures transitoires pour passer d’un système juridique à l’autre, le président Mohammed Khatami accepte de discuter des modalités avec un groupe de contact composé par l’Union européenne, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni (UE+3), et suspend l’enrichissement de l’uranium en signe d’apaisement.

Elu président de la République à la mi-2005, Mahmoud Ahmadinejad estime que son pays a accordé un délai suffisant à l’AIEA pour mener les inspections nécessaires à la transition, et que le Groupe des Trois fait volontairement traîner les choses pour prolonger indéfiniment le moratoire iranien. Il décide donc de reprendre le processus d’enrichissement de l’uranium.

A partir de ce moment, les Européens — qui considèrent avec mépris l’Iran comme le « régime des mollahs »— reprochent aux Iraniens d’avoir failli à leur parole. L’administration Ahmadinejad affirme quant à elle que, comme tous les gouvernements du monde, elle est liée par les Traités ratifiés par son Parlement, mais pas par la politique de l’administration précédente. C’est le début du conflit juridique. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni obtiennent le soutien du G8 et convainquent le Conseil des gouverneurs de l’AIEA de porter le litige devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Le vote du Conseil des gouverneurs (4 février 2006) préfigure celui du Conseil de sécurité du 9 juin 2010. Les grandes puissances font bloc, tandis que Cuba, la Syrie et le Venezuela votent contre.

Furieuse d’être humiliée, l’administration Ahmadinejad décide de retirer la signature iranienne du Protocole additionnel. Ce retrait rend caduques les engagements de l’administration Khatami et clôt la polémique avec le groupe UE+3. Le Conseil de sécurité réplique en exigeant une nouvelle suspension de l’enrichissement de l’uranium (résolution 1696 du 31 juillet 2006). Au regard du droit international cette résolution n’a pas de fondement juridique. La Charte des Nations Unies ne donne pas compétence au Conseil de sécurité pour exiger d’un Etat membre qu’il aliène un de ses droits pour « rétablir la confiance » des autres à son égard.

Dès lors, l’Iran —soutenu par 118 Etats non alignés— refuse de se conformer aux exigences successives du Conseil en vertu de l’article 25 de la Charte. Celui-ci stipule en effet que les Etats membres ne sont tenus d’accepter les décisions du Conseil que si celles-ci sont conformes à la Charte. Insensiblement, le débat juridique international est passé du contrôle par l’AIEA du programme iranien à un bras de fer entre les grandes puissances et les puissances émergentes. Ou plutôt, il est revenu au point de départ des années 50 ; la question du contrôle par l’AIEA n’étant qu’un épisode dans la lutte opposant les puissances dominantes au Tiers Monde.

Mohandas K. Gandhi (1869-1948)

défie l’Empire britannique en brisant le monopole de la Couronne. Il tisse lui-même le coton indien. 

Après le pétrole, l’uranium

La comparaison entre le comportement des grandes puissances face au pétrole iranien hier et leur comportement face à l’uranium iranien aujourd’hui est frappante.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Anglo-Saxons avaient imposé des contrats léonins à l’Iran pour extraire son pétrole sans en payer le juste prix. Ils avaient aussi empêché l’Iran de se doter de grandes raffineries pour le transformer. De telle sorte que les Iraniens devaient importer au prix fort l’essence que la British Petroleum avait produite, en raffinant à l’étranger le pétrole qu’elle leur avait volé.

Aujourd’hui, les grandes puissances voudraient interdire à l’Iran d’enrichir son uranium pour en faire un combustible. De la sorte, le pays n’aurait pas la possibilité d’utiliser ses propres richesses minérales et serait contraint de les vendre à bas prix. En 2006, les Anglo-Saxons ont fait adopter par le Conseil de sécurité une résolution exigeant que Téhéran suspende ses activités liées à l’enrichissement, y compris la recherche-développement. Puis, ils ont proposé aux Iraniens de leur acheter de l’uranium brut et de leur vendre de l’uranium enrichi.

La réaction de Mahmoud Ahmadinejad à ce chantage est exactement la même que celle de Mohandas K. Gandhi dans une situation similaire. Les Britanniques interdisaient aux Indiens de filer le coton. Ils leur achetaient donc à bas prix une matière première qu’ils ne pouvaient utiliser, puis ils leur revendaient au prix fort des tissus filés avec leur coton à Manchester. Le Mahatma Gandhi viola la loi impériale et fila lui-même le coton sur un rouet rudimentaire, qui devint le symbole de son parti politique. Identiquement, les Anglais s’étaient arrogés un monopole d’exploitation du sel et appliquaient une taxe exorbitante sur ce produit de première nécessité. Gandhi viola la loi impériale, traversant le pays dans une marche épique, il alla lui- même récolter le sel. C’est par ce type d’action que l’Inde recouvra sa souveraineté économique.

Les déclarations fracassantes de Mahmoud Ahmadinejad lors de la mise en service de centrifugeuses doivent être comprises dans ce contexte. Elles expriment la volonté de l’Iran d’exploiter lui-même ses ressources minières et de se doter ainsi de l’énergie indispensable à son développement économique.

Au demeurant, rien dans le Traité de non prolifération n’interdit à quiconque d’enrichir de l’uranium.

Celso Amorim, Luiz Inácio Lula da Silva, Manouchehr Mottaki, Mahmoud Ahmadinejad, Recep Tayyip Erdoğan et Ahmet Davutoğlu

Signature du Protocole de Téhéran (17 mai 2010).

De gauche à droite : Celso Amorim, Luiz Inácio Lula da Silva, Manouchehr Mottaki, Mahmoud Ahmadinejad, Recep Tayyip Erdoğan et Ahmet Davutoğlu. 

Le Protocole de Téhéran

A l’occasion du sommet de Washington sur la sécurité nucléaire (12 et 13 avril 2010), le président brésilien Lula da Silva présente ses bons offices à son homologue états-unien. Il lui demande quelle mesure serait à même de rétablir la confiance et d’arrêter la spirale des résolutions du Conseil de sécurité.

M. Lula da Silva, qui ambitionne de devenir secrétaire général des Nations Unies, agit comme intermédiaire entre les grandes et les petites puissances. Surpris, le président Obama réserve sa réponse, Finalement, il lui adresse une lettre, le 20 avril. Il y indique qu’une mesure négociée en novembre 2009, puis abandonnée, ferait l’affaire. L’Iran pourrait échanger de l’uranium insuffisamment enrichi contre de l’uranium faiblement enrichi. Cet échange pourrait avoir lieu dans un pays tiers, la Turquie par exemple. Téhéran pourrait alors alimenter en combustible son réacteur à usage médical sans avoir besoin d’enrichir lui-même l’uranium. Une lettre similaire a été envoyée par M. Obama à son homologue turc, mais n’a pas été rendue publique.

Le président brésilien se rend immédiatement à Moscou où, lors d’une conférence de presse commune (14 mai) le président Medvedev confirme que du point de vue russe cette mesure serait aussi considérée comme une solution acceptable. M. Lula da Silva rejoint le Premier ministre turc à Téhéran et signe le document attendu avec le président Ahmadinejad (17 mai).

Ceci étant fait, Mahmoud Ahmadinejad confirme que, si l’accord est appliqué, son pays n’aura pas besoin de procéder à l’enrichissement, mais que pour se prémunir d’une éventuelle rupture du Protocole, il doit apprendre à maitriser cette technique. L’Iran poursuivra donc ses recherches.

Faisant volte-face, Washington dépose au Conseil de sécurité un projet de résolution qu’il avait négocié à l’avance avec les autres membres permanents. Après trois semaines de psychodrame, ce texte à peine amendé est débattu par le Conseil. Pour la forme, les négociateurs occidentaux faxent à Téhéran leurs observations sur le Protocole quatre heures avant d’entrer en séance. Ils ne veulent plus d’un accord provisoire, ils exigent que l’Iran renonce à la technique de l’enrichissement. La résolution 1929 est adoptée, y compris par la Russie et la Chine (9 juin).

Pour le Brésil, la Turquie, l’Iran et les 118 non alignés qui les soutiennent, le choc est rude. Il est tout à fait clair que le souci des grandes puissances n’est pas d’empêcher l’Iran d’enrichir de l’uranium pour fabriquer des bombes, mais de de l’empêcher de maîtriser un savoir-faire qui garantirait son indépendance.

Christophe de Margerie, le Pdg

Suite aux sanctions unilatérales des Etats-Unis,

Total est contraint de cesser d’approvisionner l’Iran en essence

Les conséquences de la résolution 1929

Dans les jours qui suivent, les dirigeants russes laissent entrevoir leurs désaccords internes. Une cascade de déclarations contradictoires confirme et infirme que l’embargo prévu par la résolution 1929 s’applique aussi aux missiles sol-air S-300 russes en cours de livraison. Finalement le président Medvedev tranche : les livraisons d’armes anti-aériennes sont interrompues, ce qui implique que, d’un point de vue technique, un possible bombardement de l’Iran restera une option militaire crédible.

Continuant sur sa lancée, Washington ajoute aux sanctions onusiennes ses propres sanctions, et l’Union européenne lui emboite le pas. Ce nouveau dispositif vise à priver l’Iran de l’énergie nécessaire à son économie. Il fait interdiction aux sociétés ayant des intérêts en Occident de livrer de l’essence raffinée ou tout autre carburant à Téhéran. Première conséquence de ces mesures unilatérales, Total est contraint de se retirer d’Iran. Le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim annonce, quant à lui, que les sociétés agro-industrielles de son pays ne peuvent pas prendre le risque de fournir de l’éthanol à l’Iran. Autant de ruptures qui sont des catastrophes économiques non seulement pour les Iraniens, mais pour les Français et les Brésiliens aussi.

Moscou entre en ébullition. Les partisans de Premier ministre Vladimir Poutine s’estiment floués. Pour eux, les sanctions contre l’Iran ne doivent pas déstabiliser le pays. Ils avaient admis la position du président Dmitriev Medvedev de coopération avec les Etats-Unis à la condition que les sanctions se limitent à celles de l’ONU. Ils se trouvent désormais face au fait accompli : la résolution du Conseil de sécurité sert de justification à des mesures unilatérales de Washington et de Bruxelles visant à asphyxier l’Iran. Auditionné par le Sénat, le secrétaire US à la Défense Robert Gates se gausse de la confusion qui règne au Kremlin et de son « approche schizophrénique » de la question iranienne.

Poursuivant sur la lancée, l’Allemagne fait du zèle. La chancelière Angela Merkel fait confisquer des matériels destinés à la construction de la centrale nucléaire civile de Busher et fait interpeller les ingénieurs russes qui les rassemblaient. La tension monte à Moscou et l’ambassadeur Churkin appelle ses partenaires du Conseil de sécurité à la raison.

A Pékin, les choses ne sont pas plus claires. La Chine a accepté de voter la résolution 1929 en échange d’un renoncement de Washington à de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord. Pékin, qui ne se pensait pas en mesure de défendre à la fois Téhéran et Pyongyang, a inutilement cédé du terrain car les Etats-Unis resservent le couvert lors du G8 de Toronto.

Dans une déclaration, le Suprême conseil (iranien) de sécurité nationale souligne que le Conseil de sécurité des Nations Unies n’avait pas compétence pour adopter la résolution 1929. En écho, le président du Venezuela, Hugo Chávez, annonce que son pays n’appliquera pas une décision sans fondement juridique. Concrètement, Caracas approvisionnera Téhéran en essence et lui proposera les services bancaires qui lui sont aujourd’hui refusés.

L’Iran décide de manifester sa mauvaise humeur en reportant d’un mois toute nouvelle négociation et en posant des conditions à la reprise des pourparlers. Renversant la rhétorique dominante, Téhéran accepte de discuter sur l’application du Traité de non-prolifération afin de « rétablir la confiance » avec les Occidentaux, à la condition que ceux-ci « rétablissent la confiance » avec l’Iran et les non-alignés. Pour ce faire, le président Ahmadinejad exige que les négociateurs fassent une déclaration qui ne devrait pas poser de problème s’ils sont de bonne foi et lèverait le soupçon du « deux poids, deux mesures » : ils doivent exiger qu’Israël signe le TNP (et par conséquent accepte le régime des inspections de l’AIEA et la dénucléarisation progressive) et s’engager à appliquer à eux-mêmes le TNP (c’est-à-dire qu’ils commencent dès à présent à détruire leurs stocks d’armes nucléaires).

Vu du côté occidental, cette réponse paraît dilatoire : Téhéran pose des conditions irréalistes qui manifestent sa volonté de rupture. Vu du Tiers Monde, Téhéran pointe la contradiction fondamentale du TNP qui permet depuis une quarantaine d’années aux grandes puissances de conserver leur avantage nucléaire, militaire et civil, pour dominer le monde tout en empêchant les puissances émergentes de rejoindre le club nucléaire.

Sans surprise, Washington réagit en relançant la polémique. Le directeur de la CIA, Leon Panetta, déclare dans une émission de grande écoute que, selon de récents renseignements, l’Iran aurait désormais assez d’uranium faiblement enrichi pour fabriquer des bombes. L’accusation est loufoque, dans la mesure où l’Iran ne dispose que d’uranium enrichi à moins de 20 % alors que les bombes atomiques sont fabriquées avec l’uranium enrichi à 70, voire 85 %. Peu importent les faits et la logique, « La raison du plus fort est toujours la meilleure ».

Mahmoud Ahmadinejad

Mahmoud Ahmadinejad plaide à la tribune de l’ONU  pour un Proche-Orient exempt d’armes nucléaires.

Conclusion

31 ans après le début de la Révolution islamique, l’Iran n’a pas dévié de sa trajectoire. Malgré la guerre par procuration que les grandes puissances lui ont livré, malgré les embargos et les sanctions de toutes sortes, il continue à questionner l’architecture des relations internationales et à se battre pour son indépendance et celle des autres nations. Si l’on relit rétrospectivement les interventions des diplomates et dirigeants iraniens à l’ONU, on observe qu’elles n’ont cessé de dénoncer le directoire que les grandes puissances exercent sur le reste du monde au moyen de leur siège permanent et de leur droit de veto au Conseil de sécurité. Et si l’on relit la presse occidentale, on observe qu’elle met en scène des scandales successifs pour ne pas avoir à rendre compte des propos des diplomates et dirigeants iraniens

Dans ce cadre, la position iranienne sur le nucléaire n’a pas varié, mais s’est approfondie. L’Iran a proposé de faire du Proche-Orient une zone dénucléarisée et Téhéran n’a cessé de porter ce projet qui vient seulement maintenant d’être examiné par l’ONU malgré l’opposition farouche d’Israël. L’Iran a pris de nombreuses initiatives pour que les Etats du Tiers-Monde rapprochent leur point de vue sur le nucléaire, la dernière en date étant la Conférence internationale sur le désarmement nucléaire qu’il a organisé en avril 2010.

Dans cet affaire, le problème central n’est pas l’Iran, mais le refus des grandes puissances de se conformer à leurs obligations de signataires du Traité de non-prolifération : détruire au plus vite leurs stocks d’armes nucléaires. Or, loin de s’engager sur cette voie, l’administration Obama a publié sa nouvelle doctrine nucléaire dans laquelle elle prévoit de faire usage de l’arme nucléaire non pas seulement pour riposter à une attaque nucléaire, mais en première frappe contre des Etats non-nucléaires qui lui résistent.

par Thierry Meyssan

 

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